Accéder au contenu principal

Moi et l'IA

Anna et le roi, version 1972 avec Yul Brynner


J'ai toujours été dédaigneuse vis à vis de la technologie. D'abord je ne suis pas très intéressée et ensuite pas très dégourdie, donc tout nouveau truc techno est d'abord une source d'ennui et un synonyme d'embarras.
Quand j'ai fait mon stage ouvrier en fin de 1ère année de mon école d'ingénieur, j'avais tout juste 18 ans, je travaillais en 2 x 8, soit de 5h à 13h soit de 13h à 21h. On pointait à l'arrivée, au départ, on faisait des pauses courtes, chronométrées, à des moments qu'on ne choisissait pas. J'en profitais pour aller aux toilettes, marcher un peu, bouger, et... observer les gens à la machine à café. Pas (que) les gens, mais l'enchaînement des actions à la machine à café : choisir sa boisson, mettre l'argent (des pièces en francs), récupérer sa boisson. Je ne sais pas combien de temps j'ai observé avant de m'approcher de ce qui me semblait à l'époque le comble de la technologie. Et j'ai essayé un jour où j'avais exactement l'appoint prêt dans ma poche, et personne autour. Evidemment pour ne pas être vue en train de cafouiller, et accessoirement ne pas pouvoir être aidée si je cafouillais. 
En vieillissant, je me suis habituée aux machines à café et 35 ans après il y a désormais des distributeurs de tout, partout, y compris dans les lycées, ce qui était impensables à la fin des années 80.
Vu l'état dans lequel me mettait une machine à café, on imagine mon appétence pour l'IA, même 35 ans après. 

J'ai une franche aversion pour ce truc, bien que tout le monde m'explique en quoi il peut être et m'être utile. Mon iMari a bien sûr suivi ça de très près, essayé dès que possible, en a un intégré au boulot et il en est tout content. Un peu comme Siri à l'époque , un truc qui ne me fait pas le repas, sort pas les poubelles ou m'achèterait des fleurs m'intéresse assez peu. 

Une copine me dit : tu lui fais une photo de ton frigo et il te dit quoi cuisiner comme repas. Moi, j'ai besoin qu'on fasse le repas, pas de l'idée. L'idée de quoi cuisiner, ou l'envie de ce que je vais manger je l'ai. 
C'est souvent le temps passé à cuisiner qui me fatigue. Pas que je ne l'ai pas, mais c'est un moment qui m'ennuie, des gestes avec lesquels je suis gauche, qui me demande une minutie et une attention que je ne suis pas prête à passer la dessus. Je préfère lire pendant ce temps.
La liste est longue des trucs qui me sont recommandés : les courriers administratifs, j'en fais peu voire plus et c'est simple à faire ; la préparation d'un entretien de recadrage, la trame d'une présentation... c'est justement le partie que j'aime faire, réfléchir à comment structurer ma pensée, rédiger... je ne vais pas laisser ce plaisir à une IA.
Le grand bénéfice qu'on lui donne est de faire pour nous les taches répétitives ou sans valeur ajoutée. Je n'ai pas de taches répétitives (sauf les repas, débarrasser la table ...). Et ''aime à penser que ce que je fais a une valeur ajoutée, justement parce que je le fais, y compris ramasser les feuilles sur la terrasse par exemple. 
Un autre me disait : il te fait ton programme d'entrainement pour un marathon et tes repas avec les calories avec. Le coach du club nous prépare les entraînements selon nos distances. Et je n'ai pas envie qu'on me dise ce que je dois manger, apprendre à composer ses repas est indispensable pour les êtres humains que nous sommes, notamment pour rester en bonne santé. 
Parmi ce qui m'a été conseillé de donner à faire à l'IA, je n'ai rien trouvé de passionnant ni même qui me donne envie d'essayer. Le dernier argument qui m'a été donné : "qu'on le veuille ou non c'est là, autant apprendre à s'en servir". 
Ça se discute. Il y a plein de choses qui existent dont je ne sais pas me servir : les armes à feu, les robotmix, les perceuses, les ampèremètres, les seringues, la liste de cas à coacher de mon iMari... oui, il y a aussi la dedans ce dont je n'ai pas envie d'apprendre à me servir.
Je suis tentée de mettre l'IA dans le même panier que la vache qui rit : celui des trucs dont on pourrait totalement se passer. A minima dans le quotidien.
Je peux me passer des recommandations Netflix "parce que vous avez regardé ça on vous conseille ca".
Je peux me passer de ma retrospective Spotify, j'évite les suggestions faites dans Instagram, je déteste les conversations avec le chatbot de la SNCF pour la G30...
Je ne comprends pas ce temps que l'on cherche à gagner. 
Pour faire quoi? Regarder une série de plus sur Netflix qui générera une nouvelle recommandation? 

Ces derniers semaines, j'ai été témoin chez des clients (sérieux) de l'utilisation de l'IA dans une optique plutôt d'essai : voir ce que ça donne,pourraint-ils dire chacun de leur côté.
Le premier avait une présentation à illustrr pour un public d'encadrants, un truc aride à la base sur lequel il n'avait mis que des phrases. Je lui ai suggéré éventuellement de les illustrer. Facile, il a écrit des prompts et mis ça dans je ne sais quelle iA (copilot je crois). On n'a pas été déçu :
- renforcer blabla bla... : un homme avec des tableaux de chiffres, des courbes à la hausse, un environnement de travail sérieux derrière lui
- prioriser les compétences fragiles : une femme entourée de bulles avec symboles mathématiques en désordres et beaucoup de points d'interrogation. Un peu comme on représenterai la confusion, ou les problème de santé mentale.
A la deuxième image, je me suis penchée vers mon interlocutrice comment il adit choisi ses images.
Une IA m'a-t-elle répondu, pour quoi? J'ai dit ce qui me gênait.

- developper la communauté : des hommes et des femmes, mais un homme debout
- lever les freins au management de projets : une femme entourée...

La suite avec une certaine constance : lors quela phrase était une assertion positive, une idée de croissance, de force, de rassemblement : un homme. Lorsqu'au contraire, il y une notion de fragilité, de frein, d'empêchement, de défaillance  : une femme. 
Au point que dans l'assistance d'autres que moi s'en sont rendus compte, et vu le bourahah même le présentateur  a expliqué ce qu'il a rentré dans l'IA et n'a pu que constater avec toutes et tous, le biais genré des images proposées (et qu'il nous a affiché d'abord sans se rendre compte).
Deux semaines après, dans une autre réunion de managers, un autre client s'y essaie. C'est la mode.
A la suite de tables rondes, les notes prises lors des échanges ont été mises dans une IA (la même je crois), à qui il a été demandé une synthèse assortie d'une image créée dans le style d'un créateur de chez eux à chaque fois spécifié. Synthes et image à la façon de. en spécifiant quel créateur  parmi leur population de créateurs et créatrices.
Ils les ont trouvé très ressemblants avec les styles connus de leurs créateurs, au nombre de 4 pour cette séquence. Quatre créateurs, quatre hommes. L'IA a ainsi été alimentée avec 4 noms de créateurs masculins.
 Je leur ai demandé s'il y avait des femmes parmi leurs créateurs, celle qui a rédigé le prompt pour demander "à la façon de", n'a spécifié que des noms d'hommes. C'est une femme, elle m'a dit "oh je n'y ai pas pensé !J'ai juste cherché des styles très différents"
Comme si les femmes n'avaient pas un style marqué.
La création dans la mode du luxe a donc ce jour là était associé au masculin. Demain si on demande une image liée à la création du luxe, on aura plus de chance encore d'avoir un homme.

L'erreur à l'origine est d'avoir appelé l'IA, intelligence. On sent l'intervention du mec du marketing qui n'avait pas tout compris au produit, mais qui avait compris de ce qu'il pouvait en faire (vendre).
Cette technologie n'a rien d'intelligent, elle ne crée rien, n'invente rien, elle se contente d'agréger, d'assembler et de synthétiser des données qu'on lui a fourni. Elle nous ressort en pleine face tous nos biais, sexistes, de genre, de race, sociaux... C'est une loupe. Et ce n'est pas très beau à voir.

Sa capacité à brasser largement ce que nous ne pouvons faire lui donne des applications en médecine (pour en avoir parler avec les intéressés) et en sciences, de ce que nous ne ferons jamais avec nos petits bras et nos tableaux Excel. 
Mais dans le quotidien, elle est largement superflue, pire je pense qu'elle nous rend paresseux et à terme idiots. Chez ce client, une des directrice a dit " moi j'ai fait moi même ma synthèse de la table ronde, je n'ai pas aimé ce qu'a rendu l'IA". C'était plus vivant, plus dynamique et il y avait du coeur dans sa restitution, contrairement à ceux qui ont lu le compte-rendu proposé. 

A contrario, cette même cliente a reçu un courrier d'une personne mécontente qui conteste des faits RH relatifs à son emploi. Cette directrice  trouvait le courrier particulièrement bien fait, du pré-contentieux RH, à se demander s'il n'avait pas eu recours à un avocat. Jusqu'à ce que quelqu'un la détrompe, un ouvrier n'a pas ce réflexe ni les moyens, en revanche il a fait faire son courrier par une IA. 
C'est ainsi qu'il a capté l'attention de sa RH, là où un simple courrier qu'il aurait rédigé lui même serait resté comme un courrier de réclamation. Il ne sait pas faire, l'IA a su faire pour lui.

Il y a bien une application alors : ce qu'on ne sait pas faire. 
Ce qu'on ne sait vraiment pas faire. 
Pas ce dont on a à la flemme, ou qu'on estime qui nous prend trop de temps (qu'on gâcherait ailleurs).
Si c'est une intelligence alors c'est pour nous rendre intelligent, pas pour nous abêtir. Utilisons-là vraiment pour des choses qu'on ne pouvait pas faire nous avec notre cerveau, notre créativité, notre sens critique, nos efforts et notre intelligence si humaine qu'elle tisse des liens uniques. 








Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Je te souhaite

Borne, une lumière pour nous guider Je te souhaite un ciel étoilé à contempler, une remise en ordre dans les constellations,     -  Aldeberan, Betelgeuse et Antarès sont mieux rangées      que dans ta bibliothèque, des contes qui organisent le bordel laissé  par des héros destructeurs qui se prennent pour des mythes. Je te souhaite  des promenades dans les pas d'autres que toi  de croiser les trajectoires de ceux qui habitent là,  de les deviner sans les voir -  eux ne te louperont pas -  apercevoir leurs empreintes, imaginer leurs chemins sont déjà un luxe Je te souhaite  d'entendre  la couche craquelée qui scintille de t'enfoncer dans le velours de la neige tout juste tombée de te couler dans le crissement de sa rondeur  quand tu avances. Je te souhaite une montée entre chien et loup une arrivée à la nuit un dernier regard aux couleurs qui se couchent la chaleur du refuge après l'effort. Je te souhaite  de...

Histoire vache

A Lons le Saulnier Direction le Jura pour les congés de printemps. Une proposition de mon iFille qui adore randonner et qui voulait arpenter son parc régional. Heureusement qu'elle a des envies, seule je n'aurai pas songé à cette destination.  Le Jura : un ersatz de montagne, un faux-semblant d'altitude, des collines arrogantes.  En matière de montagne, il n'existe rien d'autre que les Alpes. Les Hautes-Alpes exactement. Je serai chauvine jusqu'au bout. Alors le Jura... Et bien le Jura, bien que pas haut du tout en altitude a des atouts qui m'ont plu.  Vin déja.  Fromage ensuite.  Paysage pour finir, sur un malentendu on pourrait se croire en montagne.  Surtout quand il neige, surtout quand la neige tient, surtout quand on rentre le soir de la "ville" (Lons le Saulnier) et qu'on se dit "pourvu qu'on arrive bientôt sinon on va devoir de mettre les chaines" , surtout quand la montée vers la maison (bioclimatique !) se fait en patina...

Parlez moi de la météo (et je pleure)

la météo en 1930 aux USA Je ne suis pas très douée pour le small talk. Je ne sais pas parler de la météo. Je ne scrute pas mon appli météo, j'ouvre la fenêtre et je tends le bras.  Que feraient les Anglais sans la météo ? Ce pilier de tout échange informel depuis au moins cent ans. Sur notre île royalement détrempée, elle sauve la mise à tout un chacun, maintenant à flot les conversations , et en l’occurrence  elle s’exporte sous les climats étrangers où elle fait admirablement son travail. Abir Mukherjee – Les ombres de Bombay Heureusement je ne suis pas anglaise. Mais on n'a jamais autant parler de météo qu'en ce mois de mai, si frais.  Un copain a cru bon m'expliquer le concept de "goutte froide"  : une poche d'air venue de l'Arctique coincée entre deux anticyclones et juste au dessus de la France. Mon iMari a paru hyper intéressé.  Je sais que quand il montre un intérêt pour un truc débile en société c'est qu'il s'ennuie ferme.  Quand i...