Saul Leiter |
Abbeville sous le soleil n’a pas la même allure. Se lever à 6h pour prendre pour le train non plus quand il faut jour et que la journée s’annonce chaude.
Le train K16 qui, de la Gare du Nord emporte vers la Picardie jusqu’à la mer est vide au départ de Paris. En ce matin de juillet, je n’ai que l’embarras du choix où m’assoir, j’hésite beaucoup dans ces cas là, comme si le choix du siège pouvait avoir une quelconque influence sur ma journée.
J’ai redécouvert la campagne aussi sous le soleil. Le ciel bas de l’hiver, la grisaille du printemps, la fatigue aussi peut-être m’avaient caché la campagne verdoyante, à peine ondulante.
Et à Amiens (ville maudite où j’avais un jour été stoppée nette dans mon élan picard), le train a pris un air de vacances. Le quai était bondé, une horde d’enfants joyeux et de familles portant glacières et nattes de plage ont envahit le train. Certains étaient débout, les enfants surexcités dès 8h30 le matin. Ça ne sentait pas encore la crème solaire, ni plein de sable, mais l’ambiance était là. Chaque groupe avait sa glacière sac à dos (merci Décathlon), pas de parasol (le soleil Picard est il moins dangereux ?), des nattes de plages (je croyais que seule ma grand-mère était équipée de ces spécimens), serviettes sur les épaules pour certains, endimanchés dans leur chemisette et pantalon en coton pour d’autres, direction : la mer. Quelques uns sont descendus avec moi à Abbeville, pour prendre un bus pour Le Tréport, les autres ont poursuivi jusqu’à Boulogne/mer et Le Touquet.
J’ai presque hésité, l'espace d'une seconde. J’aurai pu, du, prendre le train du retour dans l’autre sens et poursuivre jusqu’à la mer. Rentrer en faisant un détour. J’aurai eu l’impression de faire l’école buissonnière, de disparaitre à moitié puisque personne n’aurait su que j’étais là à ce moment-là.
Un moment volé.
J’ai (re)découvert récemment le plaisir d’être seule, de voyager seule, d’avoir des jours qui se suivent toute seule. Avec ou sans agenda, avec ou sans contrainte de lieu et de temps. Ce n’est pas tant que iMari et iAdos sont des boulets (quoi que parfois en vacances ça se discute !), c’est juste d’un coup une immense impression de liberté, de liens qui relient plutôt qu’attachent, de choix que je dois faire pour moi uniquement (je sors ? je mange quoi ? je vais voir quelle expo ? je lis ou je travaille ?). Le déroulé de la journée se délite, je ne suis plus obligée de déjeuner à heure fixe, ni même de dîner soir si je n’ai pas faim. Je peux faire la grasse matinée et travailler tard, je peux mettre la musique à fond et danser longtemps, ou pas. Je ne vis pas la même chose que quand je suis avec ma tribu.
D’un coup, ils ne sont plus dans mon environnement, je n’ai même plus à en tenir compte. C’est peut-être le propre des mères que de porter toute la famille, au sens littéral parfois, mais aussi au sens figuré, de tenir compte des autres, de leur bien-être et de où ils en sont à tout moment
On devrait tous avoir un moment de solitude dans notre année, ça nous ferait un air de vacances.
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