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Qu'il reste dans ma vie

Geography Biography - Tacita Dean


Je suis sortie. Impatiente de rentrer chez moi. Impatiente de retrouver mon lit où j'imaginais que je dormirais mieux.

Il a de nouveau regarder à l'échographie que les choses étaient en place ; depuis le temps qu'il me montre, je vois désormais mieux sur ces images, je sais deviner ce que je vois juste avant qu'il ne l'énonce. 
Lui dans ses Vans vertes quand il me croise dans le couloir  : vous marchez bien!
Il est content, presque surpris, moi qui ne rêve que de me carapater.

Et le lundi suivant en fin d'après-midi, je suis à mon bureau entre deux choses, mon téléphone sonne.
Lui sans se présenter : comment allez-vous? 
Moi; décidément vous ne pouvez pas vous passez de moi.
Lui : vous devez aller bien, vous êtes déjà sur Linkedin.

Oui j'étais sur Linkedin, je l'y avais cherché dans les 10 minutes précédant son appel. J'étais démasquée, mais sans honte ni culpabilité. Son dernier post parlait de son intervention, avec des images de mon coeur, sans jamais me nommer. Je pense que j'avais le droit de regarder. 
Je me disais que ses appels allaient me manquer, qu'il faudrait que j'ai des nouvelles autrement. 

Moi : vous faites le tour de tous vos patients? Vous vérifiez qu'ils sont encore en vie ?
Lui : j'essaie, vous savez c'est pas facile à l'hôpital.
Moi : vous y arrivez très bien vous êtes un médecin extraordinaire 
Lui : merci, mais ...
Moi : il n'y a de mais, écoutez ce que je vous dit, prenez-le comme tel : vous êtes un médecin extraordinaire 
Lui : on reparlera de tout ça à l'occasion
Moi : oui, on se voit vendredi pour la consultation que vous avez demandée.

Il est toujours curieux de mon métier, il sait que je travaille à l'hôpital, sur le fonctionnement des équipes, sur les gens, il me pose toujours beaucoup de questions que je contournais jusqu'à présent. 

Il m'a tout de même demandé si j'avais de palpitations, (non), si j'avais mal (je dois prendre des Doliprane), si le point de ponction était douloureux (oui je vais chez l'ostéopathe demain ça ira mieux).
Il a hurlé. Du moins ce qui se rapproche le plus pour lui d'un hurlement, d'une réaction forte :
- vous n'allez pas chez l'ostéopathe à moins d'une semaine d'une opération pareille. Je suis cool, mais là non.
J'ai reculé immédiatement. Je n'ai pas demandé pourquoi, j'ai dit "je décale le rendez vous". 
- attendez au moins que je vous revois. Et au moindre doute vous m'appelez.

J'ai obéi, c'est lui le médecin. Mais je ne l'aurai pas appelé au moindre doute : des doutes je n'en avais pas, et j'aurai craint que sa ligne fixe de l'hôpital ne sonne dans le vide.

Ma semaine a repris son cours, un cours que j'apprécie et qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps. J'étais seule toute la semaine. Les iAdos partis pour l'été, le iMari en déplacement.

Concert avec une copine, dîner chez un copain, expo et déjeuner avec une autre copine, dance floor avec moi même musique à fond à la maison. C'est là où je me suis dit que j'allais bien, j'ai dansé des heures.

Et vendredi, nous avions rendez-vous. J'attendais ce moment, presque comme un rendez-vous amoureux. 
Ce serait le go de tout le reste, du sport, de l'ostéopathe, de ces points à l'aine à enlever. 

J'avais aussi besoin qu'il me raconte pourquoi c'était dur à l'hôpital, j'avais envie qu'il me parle de lui. Et surtout j'avais envie de lui dire ce que j'avais écrit sur lui, que je ne publierai jamais sur Linkedin et qu'il était en droit de savoir. Que c'était important qu'il sache.

J'avais très envie que ça ne s'arrête pas là, sans que ce soit aussi clairement formulé, en y allant j'avais envie qu'il reste dans ma vie.
Au delà de l'aspirine à prendre tous les matins. Des bleus résiduels laissés par les ponctions.

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