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Savoir, trauma, résilience et mes propres paradoxes (#Premiers peuples du Quebec)

Voix autochtones, savoir, trauma, résilience @McCod

Le musée McCod Stewart est situé sur un territoire fréquenté et occupé depuis des millénaires par les peuples autochtones, lequel n'a jamais été cédé par voie de traité. La nation  Kanien'kehà:ka démontre toujours un profond attachement envers ce territoire qu'elle nomme Tiohtià:ke. Reconnaissant les conséquences désastreuses du colonialisme pour les Premiers peuples; le Musée McCod considère qu'il est son devoir de contribuer à une meilleure connaissance des cultures autochtones et de soutenir le maintien de leur vitalité.

C'est ce qu'on lit sur la page d'accueil du musée de Montreal, en pop up qu'il faut fermer par la petite croix en haut à droite. Plusieurs expositions au musée ce jour-là, la plus touchante est "Voix autochtones aujourd'hui - savoir, trauma, résilience", faite de films, d'images, de témoignages et d'objets appartenant aux 11 Premiers peuples du Quebec. La commissaire d'exposition est une Huronne-Wendat (Elisabeth Kaine, décédée 2022), et son travail est expliqué comme un travail de décolonisation. L'exposition s'appuie sur deux personnes qui sont allées à la rencontre des autochtones des 11 Premières Nations du Québec autour de mots, de concepts qui sont aujourd'hui symbole de la colonisation et qu'il nous faut revisiter.

Découverte, en repensant à Christophe Colomb (1492) et à Jacques Cartier (1534), et en lisant exactement ce mot dans leur page Wikipedia. 

Il faut tout réécrire l'histoire et puis dire les vraies choses. L'histoire n'est pas écrite par les pauvres, par ceux qui ont subi le génocide; l'histoire est écrite par ceux qui ont gagné. Ce qui me fâche avec le mot "découverte" c'est que justement, ça donnait licence à faire le génocide. Et puis, je suis contente que maintenant, finalement on ait la chance de dire notre histoire.
Danielle O'Bomsawin, Abenakise
Ils écrivent ce qu'ils veulent dans les livres d'histoire. Tu sais, nous, on se fait beaucoup de récit de bouche à oreille. On n'a pas oublié, pareil. On connait notre histoire, même après des centaines d'années. Puis c'est pas écrit dans les livres d'histoire. On n'apprend pas ça à l'école. on apprend ça par nos grands-parents. On apprend ça par nos pairs.
Samuel Savard, Huron-Wendat

Découverte est le premier mot à décoloniser, il y en a une dizaine d'autres repris dans un petit bouquin (Dieu, noms de famille, réserve, sauvage obéir, école...), et surtout dans la série balado (sur radio Canada) Laissez nous raconter notre histoire qui décortique chacun de ces mots avec des témoignages d'autochtones de tout le Quebec. Passionnant. Troublant.

Une partie des vidéos visibles dans l'exposition sont disponibles sur le site. Les histoires croisent les objets du quotidien, chacun lourd de sens, dans la petite et la grande histoire, qu'il est encore plus interessant aujourd'hui d'apprendre, de connaitre ou tout simplement de découvrir à l'heure du réchauffement climatique ou plus simplement de la surexploitation de notre environnement.

Au delà des prouesses d'expertises qui n'ont rien à envier à nos technologies (les vêtements qui protègent du froid et de l'humidité tout en laissant la peau respirer existaient bien avant le goretex, ou les lunettes de soleil pour se protéger de la lumière...), nous aurions besoin d'apprendre et d'éprouver une façon d'être au monde nouvelle (pour nous du moins), comme le mode de vie nomade : savoir où on en est en observant la vie autour (les autres êtres vivants),  ou encore ne prélever que ce dont on a besoin, ne trimballer que ce qui nous sera utile et ne pas s'encombrer (j'ai par exemple des écouteurs et un casque audio, parfois je me demande pourquoi les deux, même si je sais pourquoi, ça me semble un luxe superflu). Leur savoir est surement indispensable pour ce qui nous attend. 

Se déplacer

J'aime les histoires de nomadisme. J'adore le treck, n'avoir que mon sac à dos, les affaires de marche et quoi se mettre au chaud le soir. Bien évidemment, je dors dans les refuges, j'y mange aussi. Plus jeune on était autonome dans nos randonnées, il faudrait y revenir pour gouter de nouveau cette liberté là, m'assurer que j'en suis encore capable. Tout mon paradoxe est là : je voyage en avion et je rêve de nomadisme. 

La tente était très organisée : le père et la mère dans le coin droit, les filles d'un côté, les garçons de l'autre, en rang d'âge, les plus jeunes près des parents. La vie n'était aps approximative, au contraire, elle demandait beaucoup de rigueur.
Enfant, femme ou homme, la vie familiale est basée sur la complémentarité. La distinction du genre , féminin/masculin, n'existe pas dans la plupart des langues autochtones

J'ai lu récemment cette BD : les Prizzlis (contraction de Ours polaire et Grizzlis) : une inuit retourne vivre en Alaska et emmène avec elle une fratrie parisienne  - orpheline qui ne s'en sort plus à Paris. Retour aux basiques, apprentissage de la vie sans électricité, sans internet, avec d'autres repères. 
Et j'écris en voyage depuis mon Mac connecté à l'internet de la maison louée.

Ou encore le roman graphique "Le loup" de Jean-Marc Rochette, plus près de nous,  réapprendre à vivre avec. Pas contre. Pas en guerre, pas en lutte. Avec. Avec ce qui nous entoure. Le roman graphique sort du clivage "pour on contre" le loup, même quand on est berger. On peut avoir un avis, surtout quand comme moi est en citadine, loin de tout ça et pleine de bonnes intentions. A la fin de la BD, il y a un texte de Baptiste Morizot qui va plus loin sur cette thématique pour réfléchir, revoir nos concepts, voire à "décoloniser notre environnement" (pour revenir à l'expo qui m'emmène sur ces réflexions). Dans son livre Manières d'être vivants, il raconte ses rencontres avec les loups dans le Vercors et tout le "dialogue diplomatique" qui va avec. Une approche novatrice pour moi, qui change de perspective. 
Mon changement de perspective dans la vie réelle prend pied depuis le fauteuil Adirondack (en plastique!) en face du lac Noir dans les Laurentides.

Un ainé me dit en parlant de sa vie dans les bois: "on était comme des animaux". Aujourd'hui, si tu dis "t'es comme un animal", c'est une insulte!Mais pour lui c'était un honneur. Si tu n'étais pas un animal, tu ne pourrais pas vivre. Il fallait s'adapter à la nature, pas la dominer. Il fallait que tu sois marier avec ce système là.
Lucien St-Onge, Innu
Se lier avec les animaux

Les histoires d'assimilation me tordent le ventre à chaque fois. Ici. Là-bas. Ce sont les mêmes déjà lues et entendues en Australie pour les aborigènes, au Tibet dans une autre forme. L'assimilation comme une mort lente sans compter les enfants disparus, agressés et abusés, morts de faim, de terreur, de chagrin. 
L'enfer est pavé de bonnes intentions, on le sait. Savoir pour autrui ce qui est bon pour lui est toujours le début de l'enfer. L'assimilation pour leur bien parce que le mode de vie des colons était "le bon" a simplement mené à l'enfer. L'Indien guerrier est une iconographie construite par les colons, qu'ils nous faudrait certainement réviser entre autres choses.
Il me semble qu'on évoque de plus en plus ces histoires pas uniquement l'assimilation, mais les liens et les torts faits aux autochtones à ceux qui étaint là "avant", où c'est juste moi qui y suis particulièrement sensible.

Le World Press Photo l'année dernière avait récompensé Amber Bracken (une Canadienne) qui avait fait un reportage sur les enfants autochtones disparus lors des années d'assimilation.

La série Alaska Daily avec Hilary Swank (sur Disney Channel) retrace une enquête sur des femmes autochtones qui disparaissent et qu'on ne recherche pas. Ce n'est pas du tout une histoire de serial killer , c'est plutôt le traçage du "serial dédain" ou désintérêt pour ces disparitions sur lesquelless on ne met aucun moyen. Pas juste le temps d'un enquêteur, mais plutôt une façon systémique et systématique de non-fonctionnement de la justice, de ces outils basiques (de ne pas connecter les systèmes entre eux par exemple) qui génèrent des failles d'injustice, un enchainement de choses faites "par défaut" qui ne permettent pas ni de protéger ni d'apporter le même niveau de justice à tous.






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