avec une photo d'Ellen Quoi |
Jean Hegland écrit des livres qui ne se lâchent pas, qui nous émeuvent et nous remuent. Il y a quelque chose d’universel dans ses histoires et ses personnages, qui nous parlent de relations et de notre relation au monde.
Après avoir lu Dans la foret, son précédent livre paru en France, j’avais senti le besoin urgent et vital de commencer un potager.
Avec celui-là, je touche du doigt la nécessité de rester connectée à soi et aux autres (femmes). C’est urgent et vital, surtout quand on est mère, surtout quand on travaille, bien plus encore que le potager.
Apaiser nos tempêtes a mis presque quinze ans pour traverser l’atlantique et être traduit en français. Pour se faire pardonner, on nous offre un bonus : un texte de préface de l’autrice pour l’édition française ; elle y raconte son expérience de parent, sans occulter ce que ça enlève aussi. Elle y partage aussi la perte de sa maison et de toutes les traces de sa vie des trente dernières dans l’incendie de cette maison en Californie en aout 2020. Indices comme des signaux faibles pour y faire face.
Les histoires de Cerise et d’Anne parlent tout ça : être mère et faire face à la vie
Leurs destins ne sont ni parallèles, ni croisés. S’ils ont des évènements de vie similaires, les réactions et actions des personnages ne le sont pas.
Le point de vue précis du roman est bien celui de la position de mère, et non pas d’avoir d’avoir un enfant :
Je ne suis pas une mère, lui expliqua Anna avec une logique qui lui avait paru limpide tant que les mots n’étaient pas sortis de sa bouche (…)
Je suis trop jeune, supplia-t-elle secrètement. J’ai tout un tas de choses importantes à faire. Je suis étudiante, je finis la fac cette année, je suis photographe. Je ne suis la femme de personne.
Cerise et Anna ne font pas les mêmes choix, au même moment. Elles n’ont pas les mêmes ressources que ce soient financières, psychologiques, éducatives, familiales.
Leurs tours et détours nous touchent, nous hantent, nous sidèrent parfois. On y croise le risque, la perte, l’effacement de soi, l’attente, la déception, parfois le bonheur et des moments de joie, et quelques fois la plénitude.
On a souvent envie de leur murmurer des choses à l’oreille, pour les aider, les soutenir, les encourager. Un peu comme si c’étaient nos sœurs..
Ce qui me chagrine et me désespère à la fois : on part avec un handicap, un déficit de ressources, on garde son handicap tout au long de la vie. L’écart de moyens du début se maintient toute la vie. L’inégalité pour faire face à ce qui nous arrive reste constante, quelle que soit l’énergie mise pour s’en sortir.
A aucun moment cet écart ne se réduit. Au contraire, celle qui en a moins tombe plus bas, plus vite, plus longtemps quand ça ne va pas.
Elles partagent une chose : l’amour qu’elles portent à leurs enfants. Elles sont par moments ambivalentes, mais pas longtemps, pas de façon drastique. Aucune de traces de Mona Cholet dans ce roman.
Une mère aime de façon inconditionnelle ses enfants, voilà ce que nous raconte ce roman.
Ce n’est cependant pas la leçon de ce roman, ni le message. Ce que j’en retiens reste que ce qui nous sauvent, nous les mères, c’est la sororité. Ce sont les liens avec nos sœurs de cœur qui nous aident à comprendre, à agir et à continuer d’avancer dans nos vies, dans lesquelles nous sommes des mères pour toujours.
La cerise sur le gâteau : la couverture est une photo d'Ellen Kooi (univers fabuleusement poétique)
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