Accéder au contenu principal

Une place à soi

le caribou bien sa place, carte tirée au "hasard"

Ces derniers temps, quand on me demande comment je vais, j'ai presque des scrupules à répondre que je vais très bien. Je peux même écrire le TRES tout en majuscules suivant à qui je m'adresse, parfois juste en minuscule, un peu d'humilité ne nuit pas. C'est étonnant à dire, je suis plutôt contente (je repense à ce roman lu il y a quelques années Née contente à Oraibi de Bérangère Cournut), satisfaite de la place où je suis aujourd'hui à plus de cinquante ans. 
Je ne suis pas née contente. Je n'ai pas toujours été satisfaite (il suffit de relire les billets des années auparavant), j'ai souvent été fatiguée, voire épuisée par la vie de super-héros à mener, par des compromis qui ne se sont pas toujours avérés positifs. 
Comme j'aime le dire à mes iAdos, "avec le temps qu'il me reste (sous-entendu à vivre) je ne vais pas me faire c**r", en gros je vais pas m'enquiquiner la vie.
Exit les dîners mondains, exit les gens qui ne m'amusent pas ou plus, j'ai fait du ménage dans mes clients, dans mes relations et dans ma bibliothèque.
J'impressionne ma (nouvelle) jeune collègue, elle me le dit assez souvent, parce que je pense vite, travaille vite, réagis vite, m'inquiète peu. J'ai vingt ans de plus qu'elle, ça fait quelques années d'expérience que j'ai mis à profit semble-t-il. 
 Et j'ai récupéré plein de temps, du temps à moi avec des iAdos qui sont de moins en moins ados et de plus en plus jeunes adultes, et qui n'ont pas besoin de moi (ils ont leur iDevices!),  à l'exception des phrases qui commence par "Maman...". Là, je sais que l'heure est grave. 
Ce coeur réparé soutient la (bonne) cause. Je cours mieux, la sensation à l'effort est foncièrement différente, tous les efforts. Même la vie n'est plus un effort. Un état général plus soutenu, plus dynamique, plus vivant, si c'est encore possible. 
Plus de temps, plus de vie, aurai-je alors le temps d'avoir plusieurs vies?
Et professionnellement, je n'ai jamais été au meilleur endroit. Tant sur le fond, que sur la forme. J'ai des clients, certains sont des rencontres, d'autres restent des clients contractuels, certains s'invitent à ma table jusque chez moi. Celle-ci a reçu beaucoup de personnes nouvelles ces derniers temps, un mélange des genres qui n'est, finalement, pas si compliqué, et assez agréable il faut le reconnaitre.

D'un coup je me sens puissante - pas uniquement avec mes chaussures puissantes comme me dirait ma jeune collègue qui se pose la question de comment elle s'habille la veille d'un séminaire compliqué.  Puissante dans l'exercice de mon métier, dans les relations que j'entretiens, dans les choix que j'opère.
D'un coup j'assume. Qui je suis, ce que je fais.
Il a fallu tout ce temps pour arriver là, pour se sentir à sa place. 
Pour trouver dans sa vie, une place à soi.
C'est presque le travail d'une vie, d'une moitié de vie.
Ce n'est pas de la certitude, c'est se poser les bonnes questions de là où on est.
Ce n'est pas ni de la sagesse, ni de la connaissance, c'est avoir conscience de ce qu'on ne sait pas.
J'aimerai que mes clients, mes enfants, ceux que j'aime mettent moins de temps pour arriver là. 
Une amie, qui est décédé il y a presque 10 ans, me disait "il y a une place à trouver, c'est celle que tu es la seule à occuper, c'est celle où tu fais les liens qui n'existeraient pas sans toi".
J'y suis, j'y reste. Une place à moi.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Je te souhaite

Borne, une lumière pour nous guider Je te souhaite un ciel étoilé à contempler, une remise en ordre dans les constellations,     -  Aldeberan, Betelgeuse et Antarès sont mieux rangées      que dans ta bibliothèque, des contes qui organisent le bordel laissé  par des héros destructeurs qui se prennent pour des mythes. Je te souhaite  des promenades dans les pas d'autres que toi  de croiser les trajectoires de ceux qui habitent là,  de les deviner sans les voir -  eux ne te louperont pas -  apercevoir leurs empreintes, imaginer leurs chemins sont déjà un luxe Je te souhaite  d'entendre  la couche craquelée qui scintille de t'enfoncer dans le velours de la neige tout juste tombée de te couler dans le crissement de sa rondeur  quand tu avances. Je te souhaite une montée entre chien et loup une arrivée à la nuit un dernier regard aux couleurs qui se couchent la chaleur du refuge après l'effort. Je te souhaite  de...

Désintoxication

Ce qui déborde Plus d'un mois. presque deux. Un mois et vingt jours exactement. Pour l'instant, je tiens.  Un jour après l'autre. Je ne crois pas avoir passé aussi longtemps sans. Cinquante et un jours que je n'ai pas mis les pieds dans une librairie. Je me rappelle bien la date, parce que j'ai un mail de la libraire, ils se sont trompés dans le décompte, j'ai payé un livre en double et ils me font un avoir.  C'était des cadeaux. Il y a fait juste un seul livre pour moi, deux tout au plus.  Je suis presque tentée d'essayer un an sans librairie. Un an sans acheter de livre. Je lirais tous ceux que j'ai en stock. Je relirais tous ceux que j'ai aimés de mes étagères. J'ouvrirai enfin tous ceux qu'on m'a offert et que je n'ai pas touchés.  Et s'il le faut, je reprendrai un abonnement à la bibliothèque. Ou alors j'y retourne après épuisement des stocks. J'hésite encore. Je ne sais pas bien à quoi rime cette nouvelle idée. O...

Petites aberrations et grands agacements

C'est l'automne à Cachan  Il y en a en ce moment une conférence à Pusan en Corée, celle du comité intergouvernemental de négociation sur le traité plastique. Intergouvernemental. C'est bien nommé comme ça. Ce qui signfiie que la négociation concerne les gouvernements.  Ils négocient entre eux tout ce qui concerne le plastique (de sa fabrication à son recyclage), cette année on y parle de sa production notamment pour la réduire. En tout cas c'était le but de la négociation : réduire la production plastique. L'Europe a envoyé 191 personnes par la représenter ainsi que ses pays membres.  Les chercheurs et scientifiques sont environ 70, donc des ecotoxicologistes qui démontrent tous les jours les dangers du plastique sur la santé. Les lobbyistes de l'industrie pétrochimique sont eux 220, de toutes les entreprises concernées : du pétrolier TotalEnergies, au chimiste Arkema pour ceux qu'on connait bien en France. Ils représentent sans nul doute le septième contine...