Accéder au contenu principal

Ô jeunesse !

Françoise Petrovitch - Aimer, rompre au Musée de la vie romantique

Ces derniers temps je fréquente plus de gens plus jeunes, plus jeunes que moi, bien plus jeunes que moi, plus de vingt ans nous séparent, parfois plus. Je ne sais pas si c'est que j'en fréquente plus ou que je le remarque plus, ou encore que cela me touche plus. Toujours est il que ça me renvoie à mon âge, à mon vieillissement, à la période de la vie où j'en suis et au lien que j'entretiens avec "ces jeunes gens".
Je me sens ambiguë dans cette affaire, aussi bien vis à vis ce que j'éprouve que la position que je peux occuper, voulue ou pas d'ailleurs.

Je ne suis pas comme Anais Nin, qui valorise les débuts de la vie, j'en suis là et je ne regrette pas, mais... mais quoi au juste?

J'aime vivre toujours aux débuts de la vie, pas à leurs fins car vivre aux débuts de la vie c'est avoir une jeunesse de l’esprit. C’est l’exercice de penser en omettant les expériences qui nous plongent dans la peur. C’est également l’exercice de s’affranchir de ses certitudes.
Anais Nin
S'il ya bien une chose que j'ai perdu en vieillissant ce sont les certitudes. Elles disparaissent avec l'âge, je les sème en vieillissant et parfois je vais même à l'encontre de ce que j'ai pu énoncer haut et fort avec une grande assurance. Je ne m'étalerai ni sur ma position sur le mariage (certainement pas), ou les enfants (jamais) ou encore  de faire des études d'ingénieur (même pas en rêve) ou plus anecdotique sur les sushis (ça va pas la tête?) ou gérées à grands coups de croyances qui agissent comme des marottes. Si je suis complètement honnête elles sont probablement à l'opposé de ce que je pensais à 20 ou 30 ans. La plus marquante étant certainement que le monde (tout ce qui est inconnu) n'est pas nécessairement dangereux. J'ai même développé une curiosité quasi insatiable pour ce que je ne connais pas.
Je suis à l'antithèse d'Anais Nin, l'expérience de la vie m'a ôté la peur.

Alors pourquoi autant d'ambiguïté vis à vis de ces jeunes gens ? Vis à vis de la jeunesse ?
J'ai même cherché la différence entre ambiguïté et ambivalence, passées les définitions, je suis tombée sur un blog rigolo. Et c'est bien de l'ambiguïté (frontière poreuse) que j'éprouve.

Je n'ai pas envie d'être à leur place, qu'ils soient médecin, ébéniste, coach, en couple ou pas, avec des enfants ou sans, à en rêver ou pas ... Ce n'est ni leur place que j'envie ni leur âge. Je n'ai pas forcement envie d'avoir de nouveau 30 ans, revivre ma vie me fatigue rien que d'y penser. 

Je n'ai pas envie non plus de me raconter en long et en large, ni de répondre "au voyage le plus marquant" et encore moins d'expliquer comment faire avec les enfants (j'ai très peu de conseils à donner la dessus!). Je ne pense pas que "transmettre" passe par le fait de raconter, mais plutôt par le fait de vivre une expérience, un moment où on fait ensemble. 

Quand je discute avec eux, de boulot, de famille ou de voyages je mesure ce qui nous sépare, plus que l'expérience c'est le vécu. L'expérience est l'enseignement du vécu, ce que tu en tires. 
Le vécu c'est l'émotion ressentie. 
Et c'est ça que j'envie. 
C'est l'émotion de la première fois.

J'aimerai de nouveau être à la première fois de découvrir New York : mon coeur (si costaud maintenant) s'est emballé d'émotion quand le médecin a évoqué qu'il allait visiter New York en début d'année. C'est exactement ça que j'enviais : se rejouir à une perspective nouvelle et la joie de la première fois à NYC. 
Ça marche pour New York, et aussi pour ma jeune collègue qui réfléchit à un troisième enfant, j'envie de nouveau cette période de notre vie où nous savions qu'il avait de la place pour une 3ème chez nous et que ça viendrait en son temps. 
Je peux retourner à NYC - j'y suis retournée et j'irai encore -  mais ce ne sera plus la première fois, même si ça m'enchante encore, ce n'est pas, ce n'est plus la même émotion.
Viellir c'est avoir des premières fois derrière soi. Les premières fois ne se racontent pas à d'autres, elles se vivent ensemble, mais personne ne peut vivre l'expérience d'une première fois au travers du récit d'un autre.

D'un coup ce qui m'a fait peur n'est pas mon âge, c'est simplement de ne plus avoir de première fois et l'émotion qui va avec. 
Alors le travail qu'il me reste est de m'émerveiller sur ce qui me plait et de savourer à chaque fois ce qui le rend unique comme une première fois. 
Le travail d'une vie, une vie de premières fois.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Je te souhaite

Borne, une lumière pour nous guider Je te souhaite un ciel étoilé à contempler, une remise en ordre dans les constellations,     -  Aldeberan, Betelgeuse et Antarès sont mieux rangées      que dans ta bibliothèque, des contes qui organisent le bordel laissé  par des héros destructeurs qui se prennent pour des mythes. Je te souhaite  des promenades dans les pas d'autres que toi  de croiser les trajectoires de ceux qui habitent là,  de les deviner sans les voir -  eux ne te louperont pas -  apercevoir leurs empreintes, imaginer leurs chemins sont déjà un luxe Je te souhaite  d'entendre  la couche craquelée qui scintille de t'enfoncer dans le velours de la neige tout juste tombée de te couler dans le crissement de sa rondeur  quand tu avances. Je te souhaite une montée entre chien et loup une arrivée à la nuit un dernier regard aux couleurs qui se couchent la chaleur du refuge après l'effort. Je te souhaite  de...

Histoire vache

A Lons le Saulnier Direction le Jura pour les congés de printemps. Une proposition de mon iFille qui adore randonner et qui voulait arpenter son parc régional. Heureusement qu'elle a des envies, seule je n'aurai pas songé à cette destination.  Le Jura : un ersatz de montagne, un faux-semblant d'altitude, des collines arrogantes.  En matière de montagne, il n'existe rien d'autre que les Alpes. Les Hautes-Alpes exactement. Je serai chauvine jusqu'au bout. Alors le Jura... Et bien le Jura, bien que pas haut du tout en altitude a des atouts qui m'ont plu.  Vin déja.  Fromage ensuite.  Paysage pour finir, sur un malentendu on pourrait se croire en montagne.  Surtout quand il neige, surtout quand la neige tient, surtout quand on rentre le soir de la "ville" (Lons le Saulnier) et qu'on se dit "pourvu qu'on arrive bientôt sinon on va devoir de mettre les chaines" , surtout quand la montée vers la maison (bioclimatique !) se fait en patina...

Parlez moi de la météo (et je pleure)

la météo en 1930 aux USA Je ne suis pas très douée pour le small talk. Je ne sais pas parler de la météo. Je ne scrute pas mon appli météo, j'ouvre la fenêtre et je tends le bras.  Que feraient les Anglais sans la météo ? Ce pilier de tout échange informel depuis au moins cent ans. Sur notre île royalement détrempée, elle sauve la mise à tout un chacun, maintenant à flot les conversations , et en l’occurrence  elle s’exporte sous les climats étrangers où elle fait admirablement son travail. Abir Mukherjee – Les ombres de Bombay Heureusement je ne suis pas anglaise. Mais on n'a jamais autant parler de météo qu'en ce mois de mai, si frais.  Un copain a cru bon m'expliquer le concept de "goutte froide"  : une poche d'air venue de l'Arctique coincée entre deux anticyclones et juste au dessus de la France. Mon iMari a paru hyper intéressé.  Je sais que quand il montre un intérêt pour un truc débile en société c'est qu'il s'ennuie ferme.  Quand i...