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Alienor, animal politique

La gisante Alienor d'Aquitaine à Fontevraud

Cette année, j'ai croisé deux fois Alienor. En mai à l'Abbaye Royale de l'Epau et à la Toussaint à l'Abbaye Royale de Fontevraud. Sacrée femme cette Alienor d'Aquitaine, dont je connaissais le nom, mais pas grand chose de plus. Parfois on sait citer ses maris ou ses fils  : Richard Coeur de Lion et Jean Sans Terre qui, comme souvent dans l'histoire se sont entretués pour des histoires de royaume. 
Cette femme est d'abord située d'après qui elle a épousé ou qui elle a enfanté. 

Et pourtant, cette femme est un animal politique, vu ce quelle a traversé, pour l'époque certes, mais y compris dans le référentiel d'aujourd'hui. 

Elle s'est mariée 2 fois, a fait annuler son premier mariage, s'est mariée avec un jeunot, et survit à tout le monde, malgré 15 ans en captivité à un moment de sa vie. Elle a eu 10 enfants (moi, avec trois j'avais l'impression d'être un super héros et j'en ai même pas la moitié, sans compter que mes conditions de grossesse et d'accouchement n'ont rien à voir). 
Elle est décédé à 82 ans, à une époque où l'espérance de vie était de 45 ans. Elle a régné 66 ans, à comparer avec avec la Reine Elisabeth qui a tenu 70 ans.
Plutôt que de l'appeler Alienor d'Aquitaine, elle aurait pu être surnommée Alienor Survivor, rien que sur le papier cette femme fait preuve d'une vitalité incroyable.

Elle manœuvre pour la dissolution d'un mariage afin que sa soeur au joli prénom de Pétronille puisse épouser celui qu'elle aime. C'est GOT tant l'heure. Plus héroïquement elle part en croisade avec son époux,   comme aujourd'hui en Ukraine des femmes aussi se battent contre les Russes. 

Evidemment, on lui soupçonne toute sa vie d'être infidèle à son mari, j'espère qu'elle l'a effectivement été car le deuxième mari ne s'en est pas gêné, ses enfants ont tellement de demi-frères et soeurs du même âge qu'eux, batards de leur père comme on disait à l'époque, que ça double l'effectif à élever.

Elle a été Reine de France et Reine d'Angleterre. Qui aujourd'hui peut s'enorgueillir d'avoir régner sur la seule France, alors que nous n'avons jamais eu de Présidente de la République, et nous en sommes à peine notre deuxième première ministre, à qui d'ailleurs n'est laissée aucune chance.

Elle a eu plusieurs vies : de reine, de croisée, de prisonnière, monastique, a fait face à des décisions dures, a été l'esprit libre à la cour, si le mot avait existé on l'aurait traitée de frondeuse ou d'effrontée. Elle dérangeait certainement et elle a survécu, elle a enterré tout le monde, y compris une partie de ses enfants.

Elle est mise en valeur à Fontevraud, aux côtés d'autres grandes femmes comme Gabrielle de Rochechouart  (de la même famille que le boulevard du même nom avec Marguerite), toutes érudites et fortes femmes politiques effacées par l'Histoire (écrite par ces messieurs).

Aujourd'hui Alienor (tout comme Gabrielle et Petronille) se retrouve sous forme de cloches, nouvelles, qui sont exposées dans les jardins avant d'être un jour de nouveau suspendues à l'Abbaye pour donner de la voix. 
Cloche pour rayonner, cloche pour sonner, cloche pour se faire entendre, cloche pour être vues aussi, cloche pour d'un coup exister : chacune est pensée et conçue par un·e artiste. 
Cloche pour ne pas être oubliée, happée par l'histoire.
Ma préférée est Alienor. Bien évidemment.

Alienor
faite par Nicolas Barreau et Jules Charbonnet 


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