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L'attention exclusive de Georgia O'Keeffe pour la fleur |
Je suis allée à une soirée boulot, qui parlait de coaching, de relation pour être exacte, en faisant le lien avec entre le geste de coach et la patte de l'artiste. L'intention était intéressante, les passerelles entre les environnements sont toujours riches, et je suis toujours avide de liens entre des choses qui n'ont pas pas priori. Dans ce cas de figure, les sujets en avaient, je l'avais expérimenté d'une autre façon dans des séances de coaching au musée autour de dialogue avec l'art. Plutôt preneuse de la thématique, bien que que le conférencier soit un homme (mais je passe outre, laissons-lui une chance à ce gringalet qui s'est goulûment emparé d'une carotte avant de quitter le buffet).
Je lui ai laissé sa chance quelque minutes, le temps de son introduction. Jusqu'à ce qu'il ouvre le fond de son propos avec Picasso.
Picasso.
Grand soupir. Dégout. Rejet.
Picasso pour parler de l'attention exclusive à accorder dans la relation. Il en faut du culot.
Faut-il parler de l'attention exclusive de Picasso sur ses modèles ? Des coups exclusifs qu'il a donné à Dora Maar avant de peindre son portait? Ou des viols (non exclusifs) de Françoise Gilot? Les traits déformés et la qualité onirique (je cite le magazine Beaux Arts) n'ont pas autant à voir avec le surréalisme qu'avec le fait qu'elles ont été tabassées, et souvent violées avant d'être peintes inconscientes. Encore un qui est passé à côté du podcast Venus s'épilait-elle la chatte ou qui se dit qu'importe le bonhomme pourvu qu'on ait l'oeuvre.
Le lien suivant portait sur Napoléon. Moins problématique d'apparence. Surtout pour en faire son portait. Napoléon se voulait comme un pionnier, comme un moderne après une série de décapitations royales. On a tout pris ce qu'on doit à Napoleon : le système métrique, les routes et ... le code civil. Mis en avant ici.
Napoleon pour parler de l'attention au besoin sous-jacent.
Le code civil pour parler du besoin sous jacent, des femmes par exemple.
Non seulement à la Révolution, les femmes qui ont été pourtant actives et sans doute déterminantes, ont été écartées de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen (Olympe de Gouges a donc écrit la Déclaration des droits de la femme et des citoyennes), et ça a fini par Liberté, Egalité, Fraternité. Fraternité : entre frères, excluant les femmes. Contrairement à ce que dit R. Enthoven (qui se veut philosophe), l'histoire n'est pas celle d'une fraternité qui sous-entend, mais bien qui exclut, à ce moment là de l'Histoire. Il faut écouter Réjane Senac, politologue en parler avec précision.
Avec le code civil de Napoléon, c'est le second recul (backlash on dirait aujourd'hui), ou la réplique après un séisme. Le code civil réduit les femmes en esclavage, leur enlève nombre de libertés qu'elles avaient pourtant auparavant. Les femmes sont désormais sous la tutelle de leur père ou de leur mari. C'est simple une femme perd tous ses droits sur elle-même et sur ses enfants, comme c'était si bien expliqué dans cette exposition de 2022 Parisiennes Citoyennes : son meurtre par le mari pour infidélité est excusable, et le divorce est supprimé.
Un court résumé très explicite :
Le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéissance à son mari.
Puis on a eu Matisse. Je n'ai (à de stade) rien à dire sur Matisse, il est juste comme les autres fait un enfant à son modèle en épouse une autre quatre ans après. Dans la soirée, Matisse a fait suite à Maurice Quentin de la Tour et a précédé une ribambelle d'hommes, dont je n'ai pas retenu les noms -ni même eu envie - avant d'arriver à la litanie des impressionnistes. Que des hommes dans l'histoire de l'art pour illustrer la relation.
Une collègue m'a dit "à cette époque, il n'y avait pas de femmes artistes". Ben si.
Avant Quentin de la Tour dès le 17è, il y a Artémisia, qu'on célèbre en ce moment au musée Jacquemart André. Il suffit de les chercher, on les trouve. Et il y a certainement des choses à dire entre ces artistes et la relation (avec leur modèle et leurs oeuvres). Elles ont d'autant plus une patte que pour exister il fallait être singulière, la médiocrité n'était pas permise. Lors de l''exposition sur Georgia O' Keefe il y a quelques années on nous a parle de l'attention exclusive de Georgia pour les fleurs et l'infiniment petit. Il faut bien s'y intéresser pour les peindre.
C'est de la paresse ou de l'aveuglement de ne parler que d'hommes pendant une heure devant une assemblée de femmes - le public de coach est à 80% féminin.
D'y évoquer des hommes violents. C'est du foutage de gueule.
De n'y montrer les femmes que sous forme de sujet : le portait de Madame de Pompadour, les nus des impressionnistes. C'est juste banal.
De reconnaitre à la fin que les impressionnistes ont enfin admis les femmes dans leur mouvement et de nous cité Berthe Morisot, Mary Cassatt et Eva Gonzales. C'est un alibi.
Clairement nous n'avions ni l'attention exclusive de ce monsieur, ni non plus il n'avais compris le besoin sous jacent de son assemblée.
Une autre chose me perturbe, dans cette assemblée, peu était comme moi sensible à l'absence de femmes dans son propos : c'est à l'image du reste, de la société, de l'histoire comme on nous l'enseigne.
Et cette collègue qui m'assure de l'absence de femmes artistes à l'époque !
J'ai envie de lui dire (de crier, de hurler). Si. Renseigne-toi. Cherche, a minima interroge-toi, au lieu de répéter ça dogmatiquement presque bêtement.
Les hommes nous prennent pour des cruches et parfois, ils ont raison.
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