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Parisiennes citoyennes !

Ce vendredi, j'en ai fait un buissonnier, comme ça m'arrive régulièrement : expo, manger un bon truc en route, ciné. J'ai fait mon call à 10h, un truc bref, à 10h20 j'ai acheté mon billet en ligne et hop dans le métro.
Direction le musée Carnavalet pour l'expo Parisiennes Citoyennes!
J'ai écouté en route un podcast de la commissaire d'exposition, ce qui m'a évité de regarder sa vidéo en début d'exposition dans un petit couloir étroit et dans le passage.

Du monde pour un vendredi matin 11h et quelques. Des femmes à plus de 90%, les rares hommes présents étaient en couple. Pas d'hommes seuls. C'est étonnant : l'Histoire déplace en général des foules, celle  des Femmes déplacent des femmes. Pas assez interessant pour les hommes, en tout cas le vendredi.


Parcours historique des différentes luttes des femmes de la Révolution aux années 2000. Des affiches, des photos des portraits, quelques oeuvres d'art,  très bien documentées. j'aurai aimé un podcast pour compléter (comme pour Georgia O'Keffe). L'exposition se déroule sur le fil historique, les périodes, les femmes de têtes, les luttes. J'étais très émue par endroit, sans bien identifier toujours pourquoi.

La continuité de luttes peut-être? J'ai l'impression que sur certains sujets, on en est exactement au même endroit. De la colère aussi par moment, et du sarcasme pour passer au delà des trucsparfois  incompréhensibles : comme le cas de Violette Morris qui se voit retirer sa licence sportive au motif qu'elle porte un pantalon! En 1927. 

Le contrôle du corps des femmes est une constante, encore aujourd'hui c'est qui est scruté. On a toujours quelque chose à dire sur comment les femmes et les les filles sont habillées : les crops top, le voile ou pas (selon le pays), la jupe trop courte ou pas (encore cas d'agression notamment), la hauteur des talons dans certains métiers.... Les hommes n'ont aucune de ces injonctions.

La révolution française n'est pas la révolution du peuple comme on nous l'apprend, c'est la révolution des français uniquement. Les femmes ne deviennent pas des citoyennes, elles n'y acquièrent que peu de droits, surtout pas les mêmes que les hommes. C'est Olympe de Gouges la figure de proue de cette bataille (perdue) des droits de la femme et de la citoyenne. 

Puis, le backlash qui suit avec "la grande régression" :

La révolution s'achève dans un climat de recul pour les libertés pour les femmes.
La Première République interdit en 1793 aux femmes de se regrouper dans des clubs puis, à la suite d'émeutes en 1795 de se rassembler à plus de cinq dans la rue et d'assister à des assemblées politiques.
La crainte de mouvements populaires de citoyennes est à son comble. Chaque sexe doit rester "à sa place". Le risque de confusion est conjuré par le renouvellement de l'interdiction de travestissement.
En 1804, le code civil napoléonien inscrit dans le marbre la domination masculine : la femme mariée perd tous ses droits, sur elle-même et sur ses enfants.
Dans le code penal de 1810, l'avortement est puni comme un crime et le meurtre commis par le mari sur l'épouse infidèle jugé excusable. Le droit au divorce est retreint.
La Restauration (1815-1830) parachève ce retour en arrière en suppriment notamment le divorce.

Je crois que le code napoléonien est ce qui m'a le plus mis en colère et donner envie de tout brûler (je pourrais devenir comme Solanas à la lecture de ces pages : avoir envie de me débarrasser de tous les hommes!) : 

DES DROITS ET DES DEVOIRS RESPECTIFS DES EPOUX

212 - Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. Aujourd'hui encore quand on se marie à la maire, on a droit à cette phrase.

213 - Le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéissance à son mari. Loin d'être symétriques ces devoirs. Comment faire quand l'obéissance va à l'encontre de la protection? 

214 - La femme est obligé d'habiter avec le mari, et de le suivre partout où il judge à propos de résider : le mari est obligé de la recevoir et de lui fournir tout ce qui est nécessaire aux besoins de la vie, selon ses facultés et son état.  Est-ce qu'il n'a pas les mêmes obligations pour son bétail?

215 - La femme ne peut être en jugement sans l'autorisation de son mari, quand même elle serait marchande publique ou non commune, ou séparée de biens. Elle ne peut pas penser seule, ni rien faire seule ...

216 - L'autorisation du mari n'est pas nécessaire lorsque la femme est poursuivie en matière criminelle ou de police. On en oublie tout d'un coup le devoir de protection.

217 - La femme, même non commune ou séparée de biens ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir, à titre gratuit onéreux sans le concours du mari dans l'acte, ou son consentement par écrit. Et ça c'est rester jusqu'au 20e siècle !

Des photos sur la bataille pour le droit de vote (rappel en France : 1944). Le plus surprenant est qu'il y avait des femmes qui ne le voulaient pas et qui luttaient contre. C'est ce qui m'étonne le plus : pas qu'elles ne le veuillent pas, mais qu'elles luttent contre. Elle ne sont pas obligées de l'utiliser, mais qu'elles laissent aux autres le droit d'en jouir. Des femmes qui sont pire que les hommes parce qu'on attend plus et mieux de femmes (encore un truc qui pèse sur elles). 
Le jour où on ne sera pas déçue qu'une femme se comporte de façon aussi idiote qu'un homme on aura atteint l'égalité? 

Sur cette théorie (les femmes qui luttent contre leurs droits et pas pour leurs droit), Arwa Mahdawi (The Guardian) a écrit un super article "the elephant in the room" à propos du vote des femmes lors des élections US. ce sont elles qui font passer les Républicains, ce sont elles - les femmes blanches  -  qui votent contre leurs intérêts. Elle dit surtout qu'elles ont plus peur de la régression économique que de ne pas pouvoir avorter. Elles sont encore en train de prendre plus soin des autres (leurs enfants, leur famille) que d'elles, elles croient encore qu'on peut faire quelque chose contre la récession et surtout que le libéralisme va apporter des solutions à ce qu'il a exactement créé.

Arwa Mahdawi avait son équivalente avec Marguerite Durand :

La Fronde, quotidien crée par Marguerite Durand, rédigé composé et administré uniquement par des femmes parait de manière régulière de 1897 à 1903, puis épisodiquement . Servi par une publicité moderne, il tire jusqu'à 50 000 exemplaires. Installé dans un hôtel particulier 14, rue Saint George, le siège du journal est pourvu d'une salle de rédaction, d'un salon de thé, d'une salle d'exposition, d'une bibliothèque et d'une salle d'escrime. Les "frondeuses" sont réputées parmi les meilleures plumes du temps. 

Inutile de dire que j'aurai adoré être une frondeuse, ne serait-ce que pour le thé, la bibliothèque et les expos!

J'y ai de nouveau croisé deux artistes qui me fascinent : 

Nathalie Clifford Barney dont la compagne est Germaine Brooks, qui la peint régulièrement (elle semble toujours habillée du même manteau gris). Ces deux femmes vivent ensemble à Paris dans les années 30, elles sont fortunées, n'ont de compte à rendre à personne, et  "ne craignent pas de défier la morale dominante et leur liberté parait sans limites". 
Elle écrit 

La vie la plus belle est celle que l'on passe à se créer soi-même et non à procréer.

Comme argument contraceptif, c'est convainquant. 
Le même que Simone d'ailleurs.





Et Tamara de Lempicka, peintre que j'avais croisée à l'expo Pionnières au printemps. Femme artiste qui a mené sa barque hors des attentes aussi.







Belle et interessante expo, un peu austère par son caractère historique, et une muséographie très française (c'est à dire sans muséographie) mais avec des cartels qui s'enchainent écrit petit et à des hauteurs fantaisistes qui nous font nous plier en deux ou se mettre sur la pointe des pieds. 

J'en sors avec un goût doux amer, en me disant que rien n'est acquis et que ça ressemble à une lutte sans fin.



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