Accéder au contenu principal

Le champ des contraintes

@home au réveillon


Et hop, just like that, Noël est passé.
Ce n'est pas Noël que j'aime, c'est l'esprit de Noël, c'est la période avant, la période qui suit. Ce sont les lumières dans la nuit, les bougies sur les tables l'odeur du sapin, les épices dans les gâteaux, le vin chaud. 
C'est le moment de l'hiver le plus plaisant, qui est dans l'attente. celui où ont passé Novembre, long, gris et pluvieux. Celui où les jours basculent, on reprend minute après minute de la lumière du jour.
Je suis comme Leonard (de Vincent Delerm), j'ai une sensibilité de gauche.

Et il y a la fête de famille. 
Petit sondage autour de moi, je n'ai pas trouvé parmi les adultes, beaucoup de monde emballé par les fêtes de Noël en famille. Personne ne m'a dit "I can't wait ...". 
Il m'a été raconté plusieurs scénario, qui va du rassemblement élargi au cercle rapproché, avec ou sans alternance : une année dans la sienne, la suivante dans la belle-famille, ou le 24 ici et le 25 là-bas, les cadeaux le soir ou le matin au pied du sapin, la bûche et la dinde, ou carrément autre chose, mais tout le temps abondance, quand ce n'est pas gabegie. 
Le point commun (à tous sans exception) : le champ de contraintes. A la question "que faites-vous pour Noël?", j'ai abord la dynamique des contraintes "ma mère est seule",  "je suis enfant unique", "ma grand-mère est très âgée", "ma femme est très proche de sa famille"... le champ est varié. Si c'était un vrai champ, ce serait un champ de fleurs du Beaufortin en juillet, avec des fleurs sauvages d'altitude en multitudes, si différentes qu'elles donnent ce gout inégalé au Beaufort d'été.

Et cette dynamique parle des femmes, des mères en particulier, celles à qui est dévolu le rôle de "faire foyer".
Adrienne Rich que je lisais à l’époque a dit les choses telles qu’elles sont « aucune femme n’a vraiment droit au chapitre dans les institutions engendrées par la conscience masculine ». C’était ça le truc bizarre. Il m’apparaissait clairement que la Maternité était une institution engendrée par la conscience masculine. Cette conscience masculine était l’inconscience masculine. Elle avait besoin de ses partenaires féminines également mères pour écraser les désirs des femmes et que celles-ci  se consacrent aux désirs des hommes, puis à ceux de leur entourage. Nous avons entrepris d’annihiler  nos propres désirs et nous nous sommes  découvert un  talent certain dans ce domaine. Nous avons donc investi beaucoup d’énergie  à créer un foyer pour nos enfants et nos hommes.
Ce que je ne veux pas savoir - Deborah Levy
C'est souvent comme cela qu'on m'a expliqué le scénario de Noël. 
Par les contraintes qui s'appliquent, d'où les choix sont faits. Et les usages qui en découlent. 
Et on le sait les usages sont difficiles à dénoncer. Ils font jurisprudence.
Même chez nous. 
La déconstruction de la fête de Noël a résulté dans un rituel, qui est devenu le nôtre et qui d'année en année, probablement depuis une dizaine maintenant, se maintient. 
Jusqu'à quand ? 
Le socle de notre Noël est de partir, un long week-end, une petite semaine, ensemble. Ce qui a encore plus de sens depuis que notre iFille fait ses études et ne part plus avec nous l'été et de façon aléatoire aux autres vacances qu'elle a encore parfois en commun avec nous. Destination l'Europe une grande ville, en fonction de tarifs les moins chers (il nous est arrivé d'aller encore plus loin - je sais, de le dire ne changera pas mon empreinte carbone, ça fait juste vriller ceux qui me lisent et qui y sont sensibles), ce qui nous fait souvent arriver le 24 ou le 25 dans une ville où tout est fermé, et nous oblige à nous promener en dehors des sentiers battus car musées, attractions et restaurants ont portes closes parfois jusqu'au 26. Notre soirée de réveillon de Noël est soumise au hasard de notre agenda de départ, et ne se tient pas toujours le 24. 
Le réveillon de Noël est aussi un rituel. Après des années de discussions, de mécontentement autour du repas de "fête", nous avons fini par trouver une voie qui plait à tous. 
Chacun mange ce qu'il veut. 
Et nous ne dînons pas à table. Pas de nappe de Noël, pas vaisselle à thème, pas de protocole, pas de repas interminable.
Nous mangeons sur les canapés, autour de la table basse, en regardant la retrospective photos de l'année (que je prépare - le rôle de mère, je ne m'en sors pas complètement). Et chacun se prépare son truc. J'ouvre du foie gras avec une bonne bouteille (New Zeland Sauvignon cette année, oui je sais mon empreinte carbone pour le foie gras et le vin), iFille et iDernier se commandent des sushis, l'autre iAdo se cuisine son kilo d'aligot. L'iMari mange à tous les râteliers sans rien préparer, toute l'année c'est lui qui cuisine, son Noël est de papillonner chez les autres. 
Après la retrospective de l'année, on en lance d'autres avec le dessert qui est commun. Là c'est plus facile, avec un truc au chocolat, tout le monde est content. 
On peut y passer quelques heures à remonter dans le temps, il y a maintenant dix années qu'on peut revoir, avec les playlists musique datées : chacun donne ses deux ou trois titres qu'il a écouté en boucle, tout est enregistré. 
Back into the past, se souvenir, se voir grandir, se voir vieillir, se moquer des coupes de cheveux, des vêtements vintage maintenant, retraverser ce qui avait été oublié.

Jusqu'à quand?
Ça marche tant qu'on a une vie ensemble, tant qu'on a suffisamment de moments pour "faire famille". 
Ça marche tant qu'il a assez de place dans les canapés et autour pour y mettre chacun avec "son" met de choix.
Ça marche tant qu'il n'y a pas trop de contraintes. 

Je veux bien décorer la maison, ouvrir le foie gras, déboucher la bouteille, garantir les pommes de terre, supplier le fromager pour la tome fraiche, m'assurer des horaires de commande Sushi Shop, concevoir le dessert, consolider les photos, récolter les titres de la playlist... tant qu'il n'y a pas de contraintes.

Après, c'est fini et la vie reprend, oubliant les contraintes de la famille rêvée qui s'emplafonne à Noël la famille réelle.
Et cette semaine, c'est Noël sur France Inter : Gaëtan Roussel tient une chronique musicale matinale en replay, à écouter Roussel & Co
Je me suis sentie immédiatement importante car ma playlist Spotify qui compile TOUS les albums avec Gaëtan Roussel (de Louise Attaque à Lady Si en passant par Tarmac et toutes ses collaborations) se nomme Louise, Gaëtan & Co. J'ai estimé que c'était un clin d'oeil à ma Passion Gaëtan et rien que pour cela c'est un Noël enchanté.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Je te souhaite

Borne, une lumière pour nous guider Je te souhaite un ciel étoilé à contempler, une remise en ordre dans les constellations,     -  Aldeberan, Betelgeuse et Antarès sont mieux rangées      que dans ta bibliothèque, des contes qui organisent le bordel laissé  par des héros destructeurs qui se prennent pour des mythes. Je te souhaite  des promenades dans les pas d'autres que toi  de croiser les trajectoires de ceux qui habitent là,  de les deviner sans les voir -  eux ne te louperont pas -  apercevoir leurs empreintes, imaginer leurs chemins sont déjà un luxe Je te souhaite  d'entendre  la couche craquelée qui scintille de t'enfoncer dans le velours de la neige tout juste tombée de te couler dans le crissement de sa rondeur  quand tu avances. Je te souhaite une montée entre chien et loup une arrivée à la nuit un dernier regard aux couleurs qui se couchent la chaleur du refuge après l'effort. Je te souhaite  de...

Désintoxication

Ce qui déborde Plus d'un mois. presque deux. Un mois et vingt jours exactement. Pour l'instant, je tiens.  Un jour après l'autre. Je ne crois pas avoir passé aussi longtemps sans. Cinquante et un jours que je n'ai pas mis les pieds dans une librairie. Je me rappelle bien la date, parce que j'ai un mail de la libraire, ils se sont trompés dans le décompte, j'ai payé un livre en double et ils me font un avoir.  C'était des cadeaux. Il y a fait juste un seul livre pour moi, deux tout au plus.  Je suis presque tentée d'essayer un an sans librairie. Un an sans acheter de livre. Je lirais tous ceux que j'ai en stock. Je relirais tous ceux que j'ai aimés de mes étagères. J'ouvrirai enfin tous ceux qu'on m'a offert et que je n'ai pas touchés.  Et s'il le faut, je reprendrai un abonnement à la bibliothèque. Ou alors j'y retourne après épuisement des stocks. J'hésite encore. Je ne sais pas bien à quoi rime cette nouvelle idée. O...

Vivre en poésie

Dîner à l'arbre vagabond Il y a un an à cette époque de l'année, je recevais une carte postale avec quelques lignes de Ito Naga, que je ne connaissais pas. je me suis émue de sa poésie. Comment aurais-je pu faire autrement ?  D'autres que moi ont tissé des liens entre Ito Naga (j'adore la sonorité de ce nom), les Editions du Cheyne, une implantation géographique, un festival de lecture et des gens que j'aime... ou devrais-je dire : ont lancé leur filet et m'ont (forcement) attrapée?  je sens n'est pas je sais  je sens décrit l'autre moitié du monde  Ito Naga- Je sens Je ne pouvais pas ne pas y aller.  Je ne pouvais pas ne pas aller là où se mêlent amitié, poésie, librairie et... cerise sur le gâteau :  montagne. Je suis assez facilement cernable. Une proie facile. Laissez-moi dans une librairie j'y passe du temps. Laissez-moi dans une libraire dédiée à la poésie j'y reste longtemps.  Laissez-moi dans le coin poésie d'une librairie à dîner ave...