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Faire joliment semblant de parler (#Leveillé-Trudel)

Fjord Saguenay - Quebec

Dans mes pérégrinations québécoises, un joli shop (comme ils disent) à L'Anse-Saint-Jean vendait des articles confectionnés dans la région et toute une série de livres édités aussi localement la maison d'édition porte le doux nom de La peuplade. Format un peu plus grand que les poches, couverture en carton aux dessins colorés sans être criards, tout pour attirer mon oeil. Et des écrivains du cru. Des poèmes et des fictions. 

J'ai hésité, pour ne pas en acheter trop, et les avoir dans mon sac à dos pour le reste du voyage. C'est comme ça que j'ai lu On a tout l'automne de Juliana Léveillé-Trudel. C'est l'automne à Nunavivk : le grand nord du Quebec, près de la baie d'Hudson. L'accès n'y est possible qu'en avion, on y parle inuttitut, les autochtones sont inuit (mot invariable).

Le roman ouvre sur la lange inuttitut, la narratrice y va avec un projet de recueil de poèmes avec les enfants puis de le traduire en français et en anglais. Il y a des poèmes dans le livre, des phrases à traduire et la grammaire de cette langue est à elle seule un voyage. Les phrases sont des assemblages de sylabes qui se composent dans ce que nous appellerions un seul mot, très long, qui peut occuper la largeur de la page.

poème se dit uqatsianguaruti

Moyen pour faire joliment semblant de parler.

Une langue qui n'a pas l'air facile dès lors qu'on n'est pas né dedans. Une langue où résonne la longueur de l'hiver, sa rudesse,  avec les consonnes clinquantes des Q et des T, et tellement poétique.


Tout le roman parle de l'automne comme l'antichambre de l'hiver, c'est presqu'une saison d'attente, pas une  vraie saison en soi. L'hiver est la saison maitresse.

Dehors, la somptueuse lumière commence dejà à perdre son éclat, annonçant la brièveté des jours de l’hiver à venir.

J’aurai aimé connaître le froid spectaculaire de janvier, ici, la tranquillité post fin du monde des journées où personne n’ose mettre le nez dehors. 

La patiente routine de l’habillement, parenthèses méditatives qui accompagnent la moindre sortie à l’exterieur.

Les quelques heures de clarté miraculeuse qui donnent à la neige un halo bleuté avant que la noirceur ne revienne envelopper le village.

On a tout l’automne – Juliana Leveillé-Trudel

On y apprend aussi que contrairement à la légende, il n'y pas une quinzaine de mots pour décrie la neige, Mais seulement six. La légende c'est pour les Qallunaat. Les Quallunaat c'est nous, ceux qui viennent du sud, qui ne sont pas inuit.

Qanik la neige qui tombe
Aputi la neige au sol
Anui la neige propre qu'on fait fondre pour avoir de l'eau
Pukak la neige cristallise qui s'effrite
Masak la neige mouillée qui tombe
Matsaaq le anime mouillée au sol
C'est tout.

Ce livre est une porte sur la culture inuit, une poésie de l'hiver en automne.

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