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Ame brisée (pas la mienne)



Décidément mon année est marquée par le Japon, culture qui revient en force dans ma vie, à l'origine pour l'histoire du voyage de quelqu'un d'autre, qui ne s'est finalement pas réalisé. Un ami avec qui je parle littérature (et cinéma aussi) venait de terminer Suite inoubliable de Akira Mizubayashi, il m'en parle, il  beaucoup aimé, les mots qu'il utilise pour le décrire me donne envie. Il me dit "il a aussi écrit Ame brisée". Ce titre reste ancré dans ma mémoire, alors que Akira est un prénom masculin et que les conseils de livre (d'un homme en plus!) ... 
Lors d'une de mes flâneries libresques (chez un libraire, je viens d'inventer le mot), je "tombe" sur ce livre. Tomber, oui. Je ne le cherchais pas. Le livre, en poche - ça prend moins de place - a attiré mon oeil, attisé ma mémoire et les mots de cet ami pour en parler. Il n'en fallait pas plus pour qu'il finisse entre mes mains.

Il est doux. 
Ce livre est doux. 
Lent même, au début. Au point qu'à un moment, j'ai trouvé cet ami gentil mais que décidément je préférai choisir mes livres moi-même. 
Puis il y a une bascule. Je ne sais pas si c'est l'histoire qui bascule, moi, ou mon rapport à cette histoire. J'ai compris pourquoi cet ami m'en avait parlé. 
Il est très émouvant. Quelque chose dans la douceur de l'écriture, dans la délicatesse de l'histoire, dans l'absence d'adjectif qui ne qualifie rien , dans la lenteur de ce qui se passe. 
Moi qui ne connait rien à la musique, ne pratique aucun instrument, n'a jamais approché un violon (mais ai longtemps rêvé d'avoir des enfants violoncellistes, ce qu'il ne sont évidemment pas), n'écoute pas (tellement peu) de classique, je suis émue par cette histoire au point d'avoir les larmes au yeux par moments.
Ils sont passionnés de musique classique et d'instrument à cordes, leurs histoires se nouent au travers de rencontres à plus de cinquante ans d'intervalle et de brisures d'âme qu'on met douze ans à réparer et qui renaissent au travers des notes jouées sur un instrument à qui il a été redonné vie.
Une musique qui convoque ceux qui sont morts trop tôt. 

C'est une histoire douce. 
Et lente. 
Comme les histoires de vies, de liens, de ceux qu'on tissent et qui nous façonnent sans qu'on le sache.
Je suis heureuse de savoir que vous avez une personne qui vous accompagne dans votre vie. La vie n'est pas un chemin facile... Il vaut mieux le parcourir avec quelqu'un plutôt que de la faire seule comme moi.
Akira Misubayashi - Ame Brisée 

On y parle des impacts de la guerre, de la Chine et du Japon, de Hiroshima, de destins contrariés et de sens qu'on est dans son travail qui, plus que vocation, en devient une réparation de l'âme, celle du violon et la sienne.
Evidemment j'ai envie d'aller (de retourner pour être exacte) au Japon.
J'ai même mis de la musique classique ce matin au petit-déj, du violon  - forcément.
J'ai noté dans une playlist Spotify (mais qui écoute du classique sur Spotify?) les morceaux évoqués dans Ame brisée
J'ai même apprécié la lenteur. Ce mot revient dans ma vie ces dernières semaines. 
Et plus que le mot, avec ce livre, c'est le concept qui s'invite et se transforme en vécu. 
C'est l'expérience même de la lenteur. De la lecture, de l'histoire, de la place qu'il faut pour l'émotion, du temps qu'il faut pour approcher le sens...
Lire a cet effet sur moi, envie d'y aller, envie de plonger dans la découverte d'un monde qui n'est pas le mien. Jusqu'à l'expérience de la lenteur.
Encore une fois. 

L'effet miroir de moi qui lit pour vivre d'autres vies que la mienne, Akira Mizubayashi qui écrit pour "se souvenir des choses qu'il n'a pas vécu" nous amène à un endroit indéfinissable qui me plait beaucoup. C'est l'espace de rencontre intangible entre l'écrivain et la lectrice, c'est l'espace de réalité des personnages le temps des pages et de leurs traces dans nos imaginaires à lui et à moi.
Il faudrait un nom pour cet espace, à chercher dans le livre "des mots qui nous manquent".



 

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