Chana Orloff - Musée Zadkine |
En retour à mon "A ton âge, y en a qui sont déjà premier ministre !"
On m'a répondu : je connais le sujet de philo au bac "peut-on être brillant avec des idées de m**?"
Je me réjouis d'avoir un jeune premier ministre. Fait étonnant : les journaux étrangers dont le Times n'ont pas titré sur sa jeunesse, ils ont opté pour son côté diversité " Gabriel Attal appointed as first openly gay French PM".
Je me réjouis qu'il soit jeune, qu'il soit gay, qu'il ait commencé au PS, qu'il soit différent (en tout cas sur le papier).
Je me réjouis du changement qu'il représente. Plus précisément, je me réjouis du changement que j'ai l'impression qu'il représente, que j'aimerais qu'il soit, que j'espère qu'il incarne.
Beaucoup trop de conditionnel, d'attente, d'espérance... presque désespérée.
Quand on sait qu'il a fait l'école Alsacienne, puis la fac d'Assas (il a juste tourné le coin de la rue pour faire ses études), je me demande quel lien il y a entre les ministres de l'éducation nationale et l'école Alsacienne (les enfants du précédent ministre de l'éducation nationale y étaient aussi scolarisés)?
Je me demande si toutes ses idées sont tirées de l'expérience de sa scolarité toute à fait représentative de ce qui se passe pour les enfants en France.
Dans ce contexte, c'est même étonnant qu'il ait su ce qu'était une abaya.
Je me demande si ses prochaines idées de premier ministre seront aussi tirées de son vécu, tout parisien qui n'a fait que passer de la rive droite à la rive gauche, et encore certainement pas en métro ou en bus, ni même avec un vélib.
Je me réjouis que sa nomination enquiquine les vieux dragons, se faire dribbler par un gars qui est né quand ils passaient leur bac ou leur diplôme doit vous faire regretter toutes ces années à avaler des couleuvres dans les parcours politiques. On doit se sentir un peu comme Bayrou et Mélanchon, ceux dont la carrière se résume à essayer sans jamais aboutir.
Mais quand je le regarde, je vois son visage poupon, inabouti. Et je repense à la discussion cet été avec une copine au sujet des mecs dans les Trois Mousquetaires (de leur physique, de leur sex appeal pour être exacte - oui, bon on fantasmait)
moi : François Civil, bof. Je lui trouve quelque chose d'inabouti
elle : comment ça ?
moi : oui physiquement inabouti. Comme s'il n'était pas fini
elle (se marrant) : oui, c'est sûr que le mec a trente ans, nous on en a 20 de plus, forcement il est inachevé, il lui manque 20 ans.
Très juste. Et c'est un peu la même impression avec notre "openly gay PM"
Mais quand je lis les gros titres sur lui (sa jeunesse, son homosexualité), je me dis que c'est comme pour les femmes, on commente un truc qui n'a rien à voir avec sa carrière politique, ou ses compétences de ministre ou encore ses réalisations. On ne parle pas de sa légitimité à occuper le poste, on parle des caractéristiques de ce qui l'écarte de la "norme". Une norme définie par ceux qui occupent le devant de la scène, le boysclub qui se partage le pouvoir, et qui voudrait le conserver tel quel (depuis quand les boysclub politiques sérieux sont ouverts aux jeunes homosexuels? on n'est pas dans une réunion LGBT+ de l'asso de quartier!).
Sa jeunesse le rabaisse au rang des femmes en politique, il est l'objet des mêmes types de commentaires. Mais une femme de 34 ans n'aurait aucune chance d'être premier ministre.
Déjà une femme premier ministre c'est quasiment une licorne, je vous rappelle que nous en avons eu deux (oui 2, alors que nous sommes la moitié de la France) et elles avaient respectivement 57 ans (Edith Cresson) et 61 ans (Elisabeth Borne). Alors, à cet âge!
A cet âge, aux femmes, on leur rappelle leur horloge biologique et qu'il serait temps qu'elles s'y mettent. On leur rappelle (plus ou moins) gentiment leur fonction "première" voire primitive. C'est peut être pour cela qu'on n'en a pas en politique ?
Je reviens à notre jeune poupon dans lequel je mets bien trop d'espoir, surtout quand je vois son gouvernement. Ce n'est pas parce qu'il est diverse qu'il ne joue pas le mélange de genre (mettre son ex dans le ministère d'à côté, c'est pour mieux le reconquérir?) ; ou parce qu'il est jeune qu'il a des idées nouvelles au vue de ce qu'il a sorti des placards à naphtaline ; ou parce qu'il est nommé qu'il a les coudées franches.
En attendant, la journaliste et essayiste Fiona Schmidt su son compte Instagram résume bien mieux que moi ce que ce nouveau premier ministre incarne :
La jeunesse n'est ni une vertu, ni un programme politique.On aurait donc tort de voir en la jeunesse du premier ministre un gage de modernité et de renouveau.Le gouvernement Attal est le plus jeune de la Vème république : la moyenne d'âge des 14 ministres est de 46 ans, mais la moitié d'entre elleux ont moins de 45 ans, et 4 - soit près de 30% - ont moins de 40 ans.
C'est aussi le plus réactionnaire.Le gouvernement Attal est à l'image des engagements du président de la république puis 6 ans, un mirage dangereux notamment pour les minorités qu'il est censé représenter, et qui risquent plus que jamais de se fracasser conte le mur de la réalité en 2027;
Je ne sais pas s'il est brillant, on verra après le bac de philo.
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