Quand je me lasse des essais, des récits (ça arrive) et que j'ai envie d'un dimanche sur mon canapé à lire, je me rabats sur de valeurs sûres. Les éditions Gallmeister, par exemple. Au hasard de leurs dernières publications, j'ai hésité entre le dernier de Tiffany Daniel et une écrivaine que je ne connaissais pas.
Jennifer Haigh, issue du "creative writing", avec une personnage principale qui travaille dans une clinique d'avortement. Ce qui me semblait des bons ingrédients pour un excellent roman.
Effectivement, le roman se lit d'une traite. Bien écrit, bien traduit.
Et bien dans l'actualité, dans nos questions de société.
Le roman tourne autour de Claudia, la quarantaine et de trois autres personnages principaux en lien avec elle. Son vendeur d'herbe, éminemment sympathique Timmy. Anthony, un autre client de Timmy, catholique convaincu, qui n'a plus toute sa tête, sous influence et qui manifeste devant la clinique pour y prendre des photos. Victor à l'autre bout du pays, qui aime les armes, veut qu'il y ait plus d'enfants blancs et rend responsable son ex-femme de tout ce qui lui est arrivé dans la vie.
L'histoire se noue et se délie autour des ses 4 personnes, chacune avec son histoire. Aucun n'a eu une enfance aisée, ni facile, des vies cabossées, jonchées d'embuches, de défaillances et de mauvaises rencontres. Chacun vit sa vie plus ou moins en lutte, avec ses croyances bien ancrées, qui les maintiennent dans des ornières jusqu'à...ce qu'essaye autre chose réussite ou pas !
Ces drôles de vie dépeignent une Amérique des inégalités, où la vulnérabilité renforce la misère, et où chaque évènement enfonce encore plus, où il n'y a pas de corde de rappel. Un pays où quand les gens s'en sortent c'est du ressort du miracle, et ça reste fragile, instable.
J'aimerais croire qu'en France, notre système social ne produit pas ça ; je n'en suis pas certaine. J'aimerais croire qu'aucun enfant ne grandit dans un mobile home, que les suprémacistes blancs ne sont pas tous armés jusqu'au dents et qu'on ne fait pas carrière en vendant de l'herbe. Mais je vis là où je vis, et ce qui se passe au delà de mon quartier je le découvre en lisant le journal.
Parfois il se passe des choses dans ma rue aussi, et c'est mon voisin qui cumule toute l'actualité à lui seul.
On s'attache à tous les personnages, même les moins glorieux, même les plus miséreux et les moins vertueux. Ce n'est pas un roman pessimiste, ni fleur bleu avec un happy ending.
C'est un roman réaliste, jusqu'au bout. Il raconte des vies accidentées, des gens qui se battent pour leurs droits, leurs libertés (ce qu'ils pensent l'être).
Et leurs vies se séparent comme la vie peut nous séparer , parce qu'il y a aussi la réalité qui nous rattrape, nous ne sommes pas dans une série Netflix.
Pour éviter Netflix, et avoir un petit gout de réalité, d'autres vies que les nôtres, allez chez votre libraire.
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