Loin, à l’ouest - Delphine Coulin.
C’est un regard féminin (au sens d’Iris Brey) qu’elle nous offre encore là. La traversée du vingtième siècle par des femmes, des vécus de femmes, où leurs histoires croisent, se frottent, se heurtent à la grande Histoire, celles des Hommes. Aucune n’est une héroïne au sens de l’incroyable et l’extraordinaire mais chacune est l’héroïne de sa vie, à essayer de la vivre, unique avec ses espoirs et ses envies, ses possibilités, celles qu’on a et celles qu’on prend. Jamais la citation de Gloria Steinem n’a résonné aussi juste :
Ne vous préoccupez pas de ce que vous devriez faire, faites ce que vous pouvez.
Chacune de ces femmes a fait ce qu’elle a pu, autant qu’elle a pu, et parfois ça n’a pas suffi à être libre, à vivre heureuse, mais elles ont vécu, sans regrets d’avoir essayé.
On y croise aussi Calamity Jane, avec toute la légende, vraie ou fausse, peu importe pourvu qu’on ait le rêve qui va avec.
Elles lui lèguent ces trois objets, le goût des livres, et un horizon vers lequel galoper.
Second Place de Rachel Cusk
J’avais déjà croisé Rachel Cusk avec Arlington Park, sans m’en souvenir.
Second Place est raconté à la première personne, pas tout à fait comme une histoire, plus comme un fil de pensée, dans une conversation sans entendre l’autre interlocuteur. On ne sait que peu de choses de la narratrice, on comprend qu’elle a eu un passé difficile avec son premier mari, sans savoir exactement quoi, qu’elle a de l’argent et qu’elle offre ainsi résidence à des artistes, que la relation avec sa fille n’est pas aisée. On devine que la région évoquée est les Outer Banks, avec ses marécages et ses marées qui transforme les paysages en un être vivant. C’est le deuxième roman que je lis qui se passe dans cette région (avec Là où chantent les écrevisses), et là encore le paysage, les arbres, les marées, les sentiers sont un personnage à part entière.
La narratrice est une mécène, elle accueille dans la deuxième maison (the second place) de sa propriété, des artistes. Elle propose sa résidence à un peintre, qui met deux ans pour se décider à venir. Elle ne le connait que par ses peintures, qui l’avait touchée quand elle était jeune, dans une galerie à Paris. L’homme est au bout de sa renommée, n’a plus personne de proche, plus d’argent, et vaguement un agent. Il arrive avec une femme bien plus jeune, qu’il connait peu. Et il est désagréable avec sa mécène, plus que désagréable, il la malmène, l’humilie, la repousse. On comprend qu’il y a une pandémie (la nôtre vraisemblablement), il est coincé là, odieux, toxique et n’a aucune reconnaissance encore moins gratitude pour ses hôtes.
Dans les remerciements, l’autrice dit s’être inspirée de l’histoire de Mabel Dodge Luhan qui accueillit chez elle en son temps D.H. Lawrence. Je n’ai jamais entendu parlé de Mabel Dodge Luhan, et je n’ai jamais lu Lawrence (Lady Chatterley), et ce roman m’a rendu antipathique cet auteur et curieuse des mémoires de la première Lorenzo in Taos. Pour le clin d'oeil, Taos est une région du Nouveau Mexique beaucoup vient par Georgia O'Keeffe, et où elle s'installe quand Stiegliz décède.
My husband Tony sometimes says to me that I underestimate my own power, and I wonder whether that makes living more hazardous for me than for other people, the way it’s dangerous for those who lack the ability to feel pain.
Somebody’s daughter de Ashley C. Ford
Celui-là en est un. Ce sont les mémoires de l’autrice, qui à coup de chapitres nous retracent les étapes jusqu’à sa vie d’adulte. Une fille qui grandit sans son père, en prison pour une peine de vingt-cinq ans. On sait plus avant dans le livre pour quels faits il a été emprisonné, comme sa fille on l’apprend tard et ce n’est pas sans conséquence, pour elle (comme pour nous derrière ces pages). Ca parle de grandir seule, ça parle du besoin d’affection et de ce qu’il peut faire endurer, et du besoin de s’éloigner de sa famille pour devenir soi.
Ce qui fait de moi une mauvaise féministe
Dans mes lectures d’automne, j’avais aussi un roman de Joan Didion : Un livre de raison. Je tombe régulièrement sur des critiques, que dis-je des apologies de Joan Didion, comme une grande journaliste, écrivaine etc, une grande figure féministe, une pensée de son temps. J’ai pris ce roman au hasard, parce qu’il était dans les rayons de la librairie au moment où je faisais le plein de ce qui devait m’accompagner pour un mois de convalescence. Je n’ai peut-être pas pris son meilleur, je n’ai pas été en convalescence, mais surtout, je n’ai pas aimé ce roman, je n’ai rien compris, je l’ai trouvé pénible et ennuyeux.
« L’intrigue psychologique » vantée en quatrième de couverture m’a totalement échappée. Je l’ai fini, pas comme le deuxième sexe de Beauvoir. Mais il m’a fait le même effet, un long ennui plat et même pas jonché de mots agréables.
Cela fait certainement de moi une mauvaise féministe de ne pas apprécier les références qui font socle.
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