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La lumière d'Audur Ava Olafdóttir


Leur langue est tellement différente de la nôtre, que j’aime à croire que leur construction grammaticale les façonne pour penser d’une façon poétique et bien moins rationnelle que nous sur le vieux continent. C’est tout un univers, où ils mangent du hareng et des pommes de terre avec de la tarte à la rhubarbe, où la lumière n’est pas là du tout ou là tout le temps. Sans être excessif, ces habitants me semblent loufoques et fantasques, à la fois bruts (comme bois) et suffisamment raffinés pour tous écrire des contes et des poèmes. Chaque fois que je lis un roman islandais, les gens écrivent des journaux et des poèmes, se les lisent, les publient dans les journaux ou dans des maisons d’édition locales. Je suis fascinée par cette tradition littéraire qui semble populaire et identitaire. 

Les Français la baguette et le romantisme ; les Islandais la tarte à la rhubarbe et la poésie.

Elle porte une trousse contenant des forceps et du camphre, à cette époque de l’année où le temps se fige pour laisser la place à deux mois d’éternité.

Il est encore question de lumière, de tempête et de vies dans le dernier roman traduit en français de Audur Ava Olafdóttir, La vérité sur la lumière. C’est un roman d’ambiance d’abord, l’histoire est lente, douce et comme les autres j’ai eu l’impression de m’immerger dans un tableau poétique, dans la lignée familiale de ces femmes, de nombreuses sage-femmes. 
L’histoire est linéaire et décousue à la fois, avec des personnages qu’on croise, décroise et qu’on oublie. La narratrice se réveille doucement au fil des pages, comme une fleur qui éclot, comme la lumière qui se lève entre midi et trois heures dans la période juste avant Noël en Islande.
On dit que l’homme ne se remet jamais d’être né. Que l’expérience la plus difficile de la vie, c’est de venir au monde. Et que le plus difficile ensuite, c’est de s’habituer à la lumière.
Il y a peu de dialogues dans les romans de cette autrice, et ils sont réduits à leur exacte épure. La justesse des mots, l’économie des lignes. Le contraire de ceux de Sally Rooney, à l’autre extrémité du curseur. Je les adore tout autant, à croire que je suis une dialogophile* extrémiste.

-       Il était seul ?
-       Oui.
-       Et tu ne lui as pas demandé ce qu’il veniat faire ici ?
-       Non.
-       Tu lui as parlé des prévisions météo ?
-       Non, je n’y ai pas pensé.

Je suis une inconditionnelle de Audur Ava Olafdóttir, j’ai tout lu, tout acheté et tout adoré. Elle est dans une des dernières newsletters des Glorieuses et c’est chouette de la lire en conversation, c’est comme dans ses romans.

Inconditionnelle et obsessionnelle pour Audur Ava :
Quand j’avais lu en 2016 le rouge vif de la rhubarbe , moi aussi j’ai fait dans l’épure !
Mais pas en 2014 avec l’exception.
 
Et un poème tiré du livre 

La mort n’est rien
Elle ne compte pas
Je suis simplement passé dans la pièce à côté
Et rien n’a changé.


 * ce mot n’existe pas .

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