And what are your books are about?
Oh, I don't know, she said. People.
That's a big vague. What kind of people do you write about, people like you?
Beautiful world, where are you est d'abord un poème de Friedrich Schiller, un allemand de la deuxième moitié du 18è siècle.
Et c'est aussi le dernier roman de Sally Roney.
Pure joie.
Comme les précédents, le livre est centré presque exclusivement sur quatre personnages. Et nous sommes avec eux, dans la même pièce quand ils discutent (du monde, des politique, des relations), à la table d'à côté quand ils sont au pub, derrière eux quand ils se promènent, au dessus de leur épaule quand ils lisent leur courrier. Ils ont trentenaires, ils se cherchent encore, ils sont lucides, explicites dans leurs vécus et directs dans leur relations.
Sally Rooney écrit des dialogues fabuleux, si réels qu'on aimerait s'attitrer toutes les phrases et pourtant rien dans la typographie ne nous dit que ce sont des dialogues. Il n'y a pas le tiret à la ligne ouvrez les guillemets dit-elle et lui répondit-il. Ce sont des conversations totalement fluides, comme à la table à côté de nous au restaurant, on pourrait s'y glisser (dans la conversation).
What make you feels I would take a life advise from you?
Le roman est rythmé au fil des chapitres alternativement consacrée à Alice et à Eilenn, écrits à la troisième personne et à la correspondance entre les deux, ce qui nous donne le point de vue personnel de l'une puis de l'autre. On est amoureux des quatre personnages, même de Felix qui semble le moins aimable. ces gens sont très ouverts et très tolérants, à se demander si toute la jeune génération est comme eux.
Well, he's friend with me. And I'am not exactly heterosexual.
Amused now, even mischievous , Felix answered : Oh, okay. Me neither by the way.
She looked up at him quickly and he met her eyes.
You look surprised, he said.
Do I?
Retuning his attention to the food, he went on. I just never really had a thing about it. Whether someone is a guy or a girl.
Les choses sont aussi simples que ça.
Sally Rooney en revanche n'est pas une écrivaine simple ni éminanement sympathique, du moins avec les médias. Dans une longue interview pour le Guardian Weekly (qui au passage est un bijou et rassemble des articles précis, factuels et donne un aperçu de la semaine dans le monde) elle parle de la difficulté qu'elle a à gérer le succès. Normal People le livre tiré au million d'exemplaires plus la série du Netflix l'a mise au premier rang. Elle essaie de se protéger, de protéger sa vie privée et ça la rend presque agressive dans l'interview. Pas sympathique du tout.
Ses personnages le sont pour elle. Je suis moi aussi très curieuse de cette femme de trente ans qui écrit si bien et en même temps je comprends qu'elle n'ait pas envie de raconter sa vie privée. Entre l'interview et Beautiful World, where are you? on ne peut pas s'empêcher de faire des liens et de se dire qu'il y a des parallèles, que certains éléments sont d'inspirations autobiographiques. On ne lui en voudra pas d'être aussi défensive, on se contentera de la lire, voire d'aller l'écouter dans les rencontres programmées pour la promotion de son bouquin.
Bien sûr, on évitera les questions sur son mari (que pense-t-il de vos livres?), sa famille (diriez-vous que votre milieu familial vous a facilité l'accès à l'écriture?), sur ses amis (vos personnages, toujours le plus intelligents et brillants dans la pièce sont ils inspirés de vos amis étudiants?)...
On l'écoutera parler du processus d'écriture et de ses personnages. Ce sera suffisant pour notre curiosité.
Elle est de nouveau l'objet d'une certaine (im)popularité car au nom du BDS (Boycott Désinvestissement Sanction) soutien de la Palestine et lutte contre l'apartheid en Israel, elle refuse que son livre soit traduit par une (puis des maison·s) d'édition israélienne(s) trop ouvertement pro-israélienne (ie contre la Palestine). Les juifs du monde entier s'insurgent, crient (de nouveau) à la ségrégation.
C'est son choix, il est tranché. Je ne sais pas si d'autres auteurices sont dans le même cas, mais elle, on en parle, peut-être aussi parce que ce n'est pas quelqu'un de très aimable.
Comme souvent aussi son personnage principal, l'apprécier ne va pas de soi, l'aimer est un effort.
Son livre est cependant disponible en anglais, tous les Isareliens parlent anglais et les juifs d'Amérique aussi. Il n'y a pas de préjudice culturel à ce stade.
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