Collage - Acceptée (sans point médian) |
Le petit Robert dans sa nouvelle édition a ajouté le pronom iel (que mon correcteur d'orthographe ne prend pas). Et les politiques s'en sont mêlé. Chacun avec sa petite phrase, souvent assassine et même Brigitte Macron a trouvé quelque chose à dire. Je n'aime pas tirer sur les femmes,
"Mais, là Poulette, tu aurais mieux fait de te taire. Tu a été un jour prof de français, c'était il y a bien longtemps, la langue évolue avec la société, pas toi apparemment".
Elle a le droit d'avoir un avis, elle le garde pour elle. Personne ne l'oblige à utiliser le pronom iel. Il existe, il est utilisé, mais pas par elle.
Et Blanquer (notre génial ministre de l'éducation) s'est cru aussi obligé de participer : "l'écriture inclusive n'est pas l'avenir de la langue française"
"Toi, non plus, Coco, pour notre bien à tous".
Et il ne s'est pas arrêté là : "en français, le neutre est le masculin".
Ben non. Il n'y a pas de neutre en français et par définition, le masculin n'est pas neutre.
Il y a même un député LREM (un monsieur Jolivet) qui veut travailler sur une loi interdisant l'écriture inclusive, aussi sous prétexte que c'est très compliqué pour les 15% de dyslexiques en France.
"Alors Jolivet, si tu t'ennuies au lieu de faire une loi qui interdise l'écriture inclusive, travaille sur l'inclusion effective à l'école : des dyslexiques, des précoces, des autistes... Ce sera plus utile à tout le monde.".
Il se croit malin et branché parce qu'il parle de wokisme.
On n'oblige personne à utiliser l'écriture inclusive. Certains s'en emparent, d'autres non. Des journaux sont entièrement écrits en écriture inclusive : les Inrocks, la Déferlante, et parfois Libé il me semble (je ne lis plus Libé, je me suis désabonnée à leur compte Instagram depuis qu'ils ont publié en première page le récit d'un violeur. C'est mon côté "cancel culture"). Et ces journaux sont lisibles, avec ou sans point médian, avec ou non la féminisation des noms, avec ou non des iel...
C'est comme le café décaféiné, la bière sans alcool, le coca 0, les voitures sans permis, les livraisons Deliveroo, l'avortement... ça existe, on n'oblige personne à l'utiliser. Celles qui en ont besoin l'utilisent, les autres non, et certain·es sont contre le principe même. C'est une histoire de liberté.
J'ai eu un dîner boulot mouvementé dernièrement avec des collègues sur le sujet. Nous étions quatre, dont deux hommes, plutôt ouverts (selon moi, avant que cette discussion n'apporte des nuances). Et bien, sur l'écriture inclusive quelle bagarre! Quelle levée de bouclier! Je dois avouer que je ne m'y attendais pas, et que ça m'a amusé, alors j'en ai rajouté.
Mes deux collègues se sont arcboutés sur le point médian. Celui-là ·
Dans les arguments, nous avons eu droit aux dyslexiques pour qui cette écriture est très compliquée et très exclusive. On n'a jamais autant parlé des dyslexiques qu'en ce moment! Et visiblement par des gens qui ne connaissent pas bien le sujet, car les dyslexiques du fait de leur difficulté à la lecture, ne lisent pas. Ils regardent des vidéos; ils écoutent des podcasts et la radio ; ils contournent tout ce qui ressemble à de la lecture. Donc l'écriture inclusive, en vrai ils s'en foutent. Et ils ne faut pas les prendre pour des idiots, iel à l'oral, ils ont compris, de même que lecteur·ices
L'argument suivant n'était pas mal aussi : les aveugles et l'écriture braille. J'avoue que celui-là m'a séché. Et je ne voulais pas rentrer dans le débat sur ce qui était plus important les femmes et tous ceux qui ne se sentent ni l'un ni l'autre ou et l'un et l'autre, ou les aveugles? En nombre on sait qui surpasse qui, mais là n'est pas le débat. Je ne connais rien à l'écriture braille et comme s'y passe la ponctuation, alors je me suis demandé comment se sentent les aveugles non binaires?
Mes deux collègues nous ont aussi opposé que cette écriture inclusive était en fait exclusive, parce qu'elle excluait... j'ai oublié qui. Mais j'étais certaine qu'une langue où tout est au masculin qui ne valorise que les hommes, et gomme les femmes, ne reflète pas une société inclusive.
Et ça, c'était avant que je lise l'excellent article de Pascal Gygax (Responsable de l’équipe de psycholinguistique et psychologie sociale appliquée de l’université de Fribourg) dans le Monde et qui explique parfaitement bien et de façon scientifiquement fondée qu'un langage qui utilise le masculin comme valeur par défaut est exclusif.
Ils m'ont aussi gentiment expliqué qu'avec ma jeune collègue nous nous trompions de débat. Que les femmes ne gagneraientt aucune bataille avec le point médian, ni avec l'écriture inclusive. J'aime beaucoup quand on m'explique que je me trompe de débat. Ils sont juste tombés dans la caricature de ces hommes qui nous expliquent (encore une fois) la vie et comment nous devons nous comporter.
L'écriture et le langage sont le reflet d'une société : les Inuits ont plus de 50 mots pour désigner la neige, les Chinois n'ont pas de mot pour psychothérapie, et en français le masculin l'emporte sur le féminin.
Le langage est un reflet; nous devons y exister aussi.
Je sais que le point médian ne règlera rien, c'est juste un outil, juste une façon de ce dire qu'on peut déconstruire nos façons de parler pour tenter d'y voir toute sorte de personnes. Le langage épicène serait certainement plus efficace, et laisserait plus de part à nos imaginaires : les personnes qui lisent sont des solitaires, la lecture est une activité solitaire, plutôt que les lecteurs sont des solitaires. Ou que les lecteur·ices sont des solitaires.
Mais j'aime bien le point médian, surtout depuis que je connais le raccourci clavier sur mon Mac, ça me permet de faire la maline!
Ce que j'aime surtout, c'est que ce sujet est un débat, dans la presse, dans les dîners. Suffisamment important pour qu'on en parle, suffisamment présent pour que certains se sentent menacés en n'étant plus ni le neutre, ni celui qui l'emporte.
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