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Panne d'électricité, again (Skye #2)

nuances de gris depuis la fenêtre de Skye

Sur Skye, nous avons habité chez Dorothy. ou plutôt dans la maison qu'elle louait, à côté de la sienne. Une maison blanche et claire, avec une baie vitrée surplombant la baie, un fauteuil face à la vue pour ne louper aucune nuance de gris du ciel, de noir de la mer, de bleu ... rien n'est vraiment bleu sur Skye. 
Et des étagères de livre à côté du poêle, une excellente sélection d'écrivains et écrivaines écossaises (des polars aux romans de Susan Fletcher sur le massacre de Glencoe), de recueils de poésie. Je ne pouvais qu'aimer cette petit maison toute de blanc et de bois.

Dorothy est bien plus vieille qu'Annie, elle doit avoir 70 ans, aussi petite qu'énergique aussi loquace que son mari est sauvage. Dorothy nous avait posé deux parts de gâteaux homemade (aux fruits, l'iMari n'y a pas touché) et une bouteille de vin (français) sur la table à notre arrivée. Elle nous a distillé par mail les concerts locaux, le pop-up café du village (3 maisons et demi), et autres infos de proximité qui nous ont amenés dans des soirées bien étranges où tout le monde parlait Gaelic. Nous étions un peu perdus, même incapables de lire les affiches, dont certaines n'étaient pas traduites. Une soirée concert dans l'auditorium de la bien connue Sabhal Mòr Ostaig, qui ne se prononce pas du tout comme ça se lit (trop facile sinon moi aussi je parlerais Gaelic).

Nous étions là depuis deux jours, que s'annonce la tempête Floris, saturant les médias en prévention de sa force, de son aspect violent pour la saison... Nous sommes totalement étrangers à ce genre de phénomène, Dorothy a l'air blasé, à nos questions de savoir si on peut sortir, elle nous dit de faire "as you feel it". Demander à une fille de la montagne de sentir la tempête sur une ile dans un environnement marin, je ne pouvais pas être plus à contre-emploi.

Lundi matin, jour de tempête prévue, apogée à midi, nous avons tout de même pris la voiture pour aller faire des courses  : frigo vide car on avait juste attrapé l'essentiel avant de prendre le ferry pour traverser. Vent impressionnant, le Mistral de Provence à côté ressemble à une brise rafraîchissante.  Une demie heure pour aller à l'épicerie locale, les rafales sont dérangeantes, une branche se coince sous la voiture. A ce moment-là, nous sommes encore deux touristes bien naïfs.  

Emplettes réalisées, dans une épicerie mouchoir de poche, avec des trucs en vrac, des produits locaux, de la bière et du vin. En sortant, l'iMari bricole sous la voiture pour dégager la branche qui s'y est coincée. Un gars passe, tenue de mécano grado (la salopette pas le gars), cambouis des chaussettes au menton, qui nous demande si on a un problème, qui s'allonge par terre (tempête = pluie, le sol est mouillé, mais il n'a pas une demi seconde d'hésitation) et qui sort la branche avec l'aide de l'iMari (qui est aussi iMécanique). Il engage une mini conversation, qui se révèle être un avertissement et une injonction à se bouger pour rentrer  : 

- where are you heading to ?

- do not hang up there, it is going to be nasty. 

En gros, une fois l'accent enlevé il reste : vous avez de la route, ne trainez pas (touristes inconscients).

Nous n'avons pas trainé, et quand la première branche est tombée devant notre capot, que notre route a été coupée par un arbre en travers, le conseil était intégré. Au lieu d'une demi-heure, le trajet a du nous prendre presque une heure, pour faire le tour par l'ouest. On a roulé parfois à droite car notre côté de route était encombré de branches ou d'arbres déracinés, parfois pilé d'un coup sec car la route était barrée. J'ai du sortir de la voiture pour nous dégager le passage,  avec l'iMari - rassurant  - qui disait : dépêches-toi c'est dangereux ... 
J'avais bien compris que si je devais m'aventurer dehors pour dégager la route, une autre branche ou un autre arbre pouvait me tomber dessus pendant ce même temps.
Nous n'avons pas trainé à comprendre que dans la tempête ce qui est dangereux ce sont les arbres, leur branches (et tout ce qui vole), et qu'ils sont d'autant plus susceptibles de casser des branches qu'elles sont encore garnies de leurs feuilles qui donnent de la prise au vent. 
Nous n'avons pas trainé, mais ce trajet nous a semblé bien long.

La maison a tremblé, la baie vitrée bougeait tellement qu'on s'en est éloigné. Ça durait, ça ventait, ça bruissait, tout un tas de sensation que je ne connaissais pas. Je n'avais pas une grande expérience des tempêtes marines des îles du Nord. 
Nous avons déjeuné, puis nous sommes installés entre le canapé et les fauteuils, alternativement l'un puis l'autre. Dans l'après midi, l'électricité a été coupée. Dorothy nous a informés qu'elle devrait être rétablie dans la soirée. 
Puis le lendemain matin.
Puis le lendemain soir.
On a vidé les batteries de nos téléphones. Dorothy est passée nous donner des bougies. 
Puis une Thermos d'eau chaude. 
Et de l'eau potable. 
Puis un seau pour flush the toilets
Elle nous a indiqué où était la mare pour aller le remplir de nouveau.

Tout fonctionne à l'électricité : la kettle, les plaques, le four, le micro-onde, l'eau qui est tirée du puits par une pompe.
Pas d'électricité signifiait pas de lumière, pas de repas chaud et pas d'eau courante.
Chez Dorothy aussi puisque la maison est sur le même terrain. Mais elle avait un réchaud de camping, et des bouteilles d'eau, d'où un peu d'eau pour le thé. 
On n'a pas eu besoins d'allumer le poêle, il ne faisait pas froid, et d'ailleurs on ne savait pas si c'était compatible avec le vent... Heureusemnt, le bon goût de Dortohy nous avait épargné les volets roulants.

Encore une panne d'électricité. Deuxième en rien de temps. En plein jour cette fois, et là cette fois je sais que faire : j'ai lu, à la bougie puis avec la liseuse (elle tient longtemps), j'ai bu du thé (en nombre de tasses limité) et j'ai attendu. Sortir n'étant pas une option, il n'y avait que ça pour s'occuper.
Le lendemain l'éléctricité n'était pas revenue, nos téléphones étaient toujours vides, c'est Dorothy qui nous a informé que le réseau téléphonique était tombé. Quelqu'un est passé dire que dans une autre partie de l'île (à 1heure de route) l'électricité avait été remise, mais que chez nous on n'aurait rien avant ce soir.
C'est là où on a tenté notre chance à la Distillerie, il y avait de l'électricité, et à manger et boire chaud.
On a poursuivi notre journée et nos visites. Le soir l'électricité est revenue. Douche brûlante, thé à volonté et on a rangé le seau de la mare. 
Mais pas le réseau téléphonique. Pas d'internet donc.
Au final, avec un livre et une bougie (et un peu de thé) je m'en sors bien. Mais l'iMari  - avec son i devant son nom , i comme internet, i comme électricité (en anglais) - a plus de mal : une fois qu'il a lu toutes les cartes et descriptifs de randonnée disponibles sur l'étagère, puis le livre d'or des invités (mais ni les romans ni les recueils de poésie), il tourne en rond. 
Il n'a plus ses news, ses podcasts en anglais et en allemand, ses cours duolingo, motoGP, ou google maps pour aller se promener ailleurs.  L'iMari n'est pas très résilient, ni la bougie ni le thé ne lui permettent de survivre.

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