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Scènes d'automne en semaine

Old Man of Stor  - Isle of Skye, un jour d'été

Lundi, j'ai ramassé mon premier marron de la saison
Brillant et dodu, il reposait aux côtés de sa coque éclatée
Il était seul, pionnier, premier tombé.
Je l'ai ramassé et rapporté, il demeure posé dans l'entrée.
Brillant et dodu, il reflète la lumière de fin d'été 
Le soleil qui décline, le frais qui revient, les couleurs qui s'enflamment
La fin des congés, la reprise du rythme, le retour de la routine
Brillant et dodu, il annonce les feux de cheminée, la laine des pulls
Les soirées sous les couvertures, le miel dans le thé 
Brillant et dodu, arrivé un peu tôt à mon goût
Je m'obstine à percevoir le beau dans la saison qui s'ouvre.

Mardi, je monte les escalators à Opera
En me demandant ce que je fais là
Marcher ici plutôt que le Cowal Way n'ont rien en commun.
Je suis tentée de rebrousser chemin 
Ce n'est que le chemin que j'aurais rebroussé. Pas le temps. 
Alors au retour, j'ai marché mon chemin plutôt que de prendre le métro
Le paysage n'est pas le même, c'est frappant comme la bouche de métro
Même dessinée par Hector Guimard n'a rien à voir avec le Old Man of Stor.
Il me reste ce moment de liberté, ce mouvement de liberté 
que de prendre le temps de mener mes pas 
dans la ville en pleine journée.

Mercredi j'ai assisté à une scène de rue de deux êtres qui ne savaient pas se séparer
Ils se disaient au revoir après leur déjeuner, 
je les voyais par la vitre du restau où je finissais le mien
Ils s'approchaient lentement, irrésistiblement, tels des aimants
Ou les amants qu'ils seraient un jour 
Leurs corps se penchaient lentement
pour qui prenait le temps de les observer - moi
Leurs têtes se rapprochaient pour une embrassade, chaste d'abord
Qui se transforma en étreinte, en enlacement, en emmêlement  - si le terme existe
Je les regardais avec ravissement, ça durait, ça sentait la chaleur, l'attirance, le plaisir
Puis ils se sont écartés, pour mieux se voir, se sont de nouveaux embrassés
Tout près des lèvres, en plusieurs fois, de plus en plus près, 
les lèvres s'éternisant sur la joue de l'autre
J'étais fascinée, autant par l'attirance que par la résistance, autant par le désir que sa retenue 
Je pensais à toutes ces comédies romantiques où ils se seraient embrassés de façon voluptueuse.
Je pensais à Oscar Wilde et sa meilleure façon de résister à la tentation est d'y céder
L'instant s'est étiré, je les ai vus respirer, se déchirer des yeux, 
S'embrasser une dernière fois, si près des lèvres, se toucher le visage
Puis chacun partir de son côté.
Ces deux garçons-là ne devaient pas connaitre Oscar Wilde.

Jeudi je suis étourdie par la rentrée littéraire
J'ai besoin d'une deuxième vie, 
d'une vie parallèle pour lire tous ces titres que j'ajoute à mes listes d'envie
Je n'aurai jamais assez de celle-là pour satisfaire ma curiosité 
Ou alors j'arrête tout : les escalators, les marches en ville, 
la beauté de ce qu'on voit à travers les vitres des restaurants, les élucubrations des billets d'humeur...
Dans l'attente, je lis les critiques, je sélectionne, je note
Je suis très fière de moi, je n'ai encore rien acheté de cette rentrée (littéraire)
Reste la pile de cet été que je n'ai pas terminée.
Les livres imprimés sont autoritaires et fascistes. Les hypertextes sont libérateurs et te donnent le pouvoir (..) la narration traditionnelle est en fin de vie. Un jour toute la littérature importante sera hypertexte.
Nathan Hill - Bien être
Vendredi je me moque de Carrère, de nouveau dans la sélection pour le prix Goncourt
J'en ai marre de voir sa tête partout, c'est comme les marrons, il revient à chaque rentrée
Sans être ni brillant ni dodu
N'annonce rien de nouveau, n'est pas le premier, ni un pionnier 
Comme (presque) tous les autres en cette rentrée littéraire, il écrit sur sa mère.
Tout le monde n'a pas une mère qui fut le secrétaire perpétuel de l'Académie Française 
et qui tenait au masculin de la fonction 
Mais tout de même, rien ne l'obligeait, même si c'est son métier
il s'obstine à écrire, d'autres vies que la sienne,
Il me semble manquer d'imagination, pas taillé pour la fiction
Je ne sais pas pourquoi je m'acharne sur ce pauvre Manu (encore un !)
Il incarne la grande littérature française, la perpétuation d'une écriture connue
le long fleuve tranquille des éditeurs, le consensus dans les discussions de salons.
Je lui préfère toutes les OLNIs (objets littéraires ...) que nous offre cette rentrée : les Séphora Pondi, Rebecca Warrior, Laura Vasquez...
Ni brillant ni dodu.




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