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Une Gabriele si moderne

Autoportrait - Gabriele Münter

Au moins trois expositions dédiées à des artistes femmes en ce moment. L'embarras du choix. 
A Beaubourg, l'exposition Suzanne Valadon est complète plusieurs jours à l'avance. 
Artemisia au Musée Jacquemart Andrée a encore des plages disponibles, pas les plus pratiques.
Gabriele Münter a le mérite de la spontanéité. Aucune queue au Musée d'Art Moderne, aucun besoin d'acheter le gilet à l'avance. 
Contrairement à ces premières lignes, cela n'a pas été mon critère de choix. 
Le critère est le plus souvent la relation que j'ai le coup d'oeil, l'aperçu que je peux avoir avec une oeuvre, c'est a dire avec le dessin que j'aperçois sur l'affiche. C'est comme cela que je finis souvent par hasard dans des expositions d'artistes dont je n'ai jamais entendu parler. 
Je suis guidée par l'émotion qui se dégage à l'aperçu d'une oeuvre (peu importe laquelle, je ne creuse pas avant d'y aller). Ça m'a réussi pour beaucoup d'exposition,  notamment Sally Gaborit, 

Je n'avais jamais entendu parlé d'elle, et pourtant l'expressionnisme allemand, difficile de passer à côté (on a tous vu les tableaux des chevaux bleus). Heureusement qu'avant d'y aller je ne savais pas qu'elle faisait parte de ce mouvement. Les chevaux bleus, les Kandisky... me fatiguent d'avance.

Gabriele Münter est née en 1877, a voyagé aux États-Unis avec sa soeur alors qu'elle avait à peine 20 ans, a eu un des premiers appareils Kodak et a pris de nombreuses photos de ce voyage (qui m'ont rappelé Walker Evans alors qu'il n'était pas encore né). Elle a toujours dessiné, croqué ses impressions de voyages, pris des photos et peint. 
Divinement.
L' oeuvre doit refléter aussi l'intérieur de l'artiste. 
Telle était la devise du Cavalier Bleu le mouvement crée par Kandinsky et d'autres auquel elle appartenait. 
Ses œuvres à elle parle de ce qu'elle voit, et traduit dans le paysage, dans le portait son reflet intérieur, son état intérieur à elle. C'est ce qui rend ses toiles si profondes et fascinantes.
L'exposition nous emmène chronologiquement à travers ses peintures, ses photos et ses croquis. L'évolution de son style est flagrante, les thèmes se recentrent : des paysages -  qui me mènent à ceux de Georgia O' Keefe , et des portraits  - de femmes essentiellement, de femmes modernes surtout (en 1930!) : elles travaillent, elles fument, elles lisent... elles vivent.
Mon carnet de dessin était alors mon ami et le dessin le précipité de mes expériences visuelles. A l'époque, les gens m'intéressaient plus que tout. Je les observais au concert, à table dans le train et les croquais la plupart du temps à la dérobée, sans qu'ils s'en aperçoivent.
Moi aussi j'observe, beaucoup, tout le temps, trop parfois, mais je ne sais pas dessiner. Un rêve fou de pouvoir croquer un portait avec un crayon, un paysage avec des pinceaux, pour les poser à côté des mots. 

Elle est morte en 1962, nous n'avons pas été contemporaines. Je suis assez fascinée par les femmes de ce temps-là qui vivaient comme des femmes d'aujourd'hui, s'en octroyaient le droit et l'assumaient : elle a vécu de son art, quasiment toute sa vie (o^ de je ne sais quoi...), elle voyageait beaucoup à une époque où ce n'était pas facile, surtout pour une femme qui n'était pas mariée.
Elle est connue (et je dois reconnaitre que je ne le savais pas) pour avoir être la maitresse puis compagne de Kandinsky. 
L'histoire est tellement classique : il a été son professeur de 11 ans son ainé. Il est marié avec Anna Filipovna Chemiakina depuis déjà 11 ans quand il part en voyage (d'étude!) avec son élève.  Ce qui devait arriver arriva : ils couchent ensemble, et c'est le début d'une longue relation extra conjugale.  
Leur histoire durera presque 15 ans,  ils voyagent ensemble, vivent ensemble sans être mariés (ensemble), lui en restant marié avec Anna, ils se séparent et se rabibochent selon les périodes . Il ne divorcera qu'en 1911 (de Anna), en laissant entendre à Gabriele qu'ils vont se marier (ensemble cette fois). Il part pour Moscou le 16 mars 1916, ils se quittent sur un quai de gare et elle ne le revoit jamais et elle n'a plus aucune nouvelle. 
J'accorde beaucoup d'importance à mon indépendance. Mais je ne la perdrai pas nécessairement lorsque je reviendrai en juillet et apporterai les documents pour le mariage. Kandinsky à Gabriele Münter (selon La Penseuse de Annie Huault)
Se faire ghoster par Kandinsky après un au-revoir sur le quai de gare de Stockholm. C'est presque le titre d'un (mauvais) film. 
Drôle de fin pour une liaison de 15 ans, le concept existait bien avant les réseaux sociaux.

La petite histoire (masculine) veut que lui se remarie l'année d'après avec Nina, qui gèrera ensuite son patrimoine artistique. Les deux femmes se croisent vers 1948 lors d'une retrospective des oeuvres du Cavalier Bleu (leur courant expressionniste de Murnau)
La grande histoire (toujours masculine) a écrit dans sa biographie à elle à la case "Maître" son nom à lui. Dans sa biographie à lui, il n'existe pas de case "Maîtresse" avec ou sans majuscule.

La revanche est qu'il décèdera en 1944 et qu'elle lui survit presque 20 ans, 
La revanche est qu'elle trouve un autre compagnon, Johannes Eichner un philosophe, de 9 ans son cadet et que lui aussi décédera avant elle.
Petit aparté : il y a un truc avec les femmes célèbres quand elles vieillissent, elles prennent des jeunes hommes autour d'elles (Anita Conti, Alexandra David Neel, Marguerite Duras). 

Ses œuvres à elle me parlent bien plus que tout ce qu'il a pu peindre lui. Il est grand temps de lui donner un nom, une renommée et une place parmi les grand·es artistes.


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