 |
Hettie Jones |
J'ai toujours été à la fois
suffisamment femme pour être émue aux larmes
et suffisamment homme
pour conduire ma voiture dans n'importe quelle direction
Hettie Jones - Drive (extrait)
Une femme de la Beat Génération. Il y en avait, forcement, et pas uniquement celle que Burrough a tué en se prenant pour Guillaume Tell un soir de défonce. Celle-ci s'appelait Joan Vollmer Adams.
Il est intéressant de voir ce que l'histoire littéraire retient. Des hommes donc. Un parfait contresens réactionnaire sur l'essence même de la Beat Generation, qui, inspirée par la musique afro-américaine, entend détruire toute forme de frontières, d'injonctions, de conventions. Nelly Kapriélan dans les Inrocks
Ce n'est pas un mouvement qui m'a intéressé : des hommes blancs défoncés qui ont le luxe de ne rien faire ou plutôt de faire de la moto, boire, se défoncer et d'essayer d'en faire un poème ou un écrit, je ne vais pas crier au miracle. Même si je suis passée à au City Lights à San Fransisco si je suis allée voir l'expo à Beaubourg en 2016 (pas de souvenirs de présence féminine dans cette expo), même si les livres de Burrough trainent à la maison (iMari...).
Les Inroks consacrent un long article aux écrivaines et femmes-de (Burrough, Kerouc, Cassidy...) de la Beat Generation, et c'est justice et hommage en même temps, à l'occasion de la réédition d'un recueil de poème de Hettie Jones dans une collection plus grand public que sa première sortie chez un éditeur confidentiel.
Plusieurs textes, poésies, mémoires ont été écrits par ces femmes, certaines publiés aux titres évocateurs : Off the road (Carolyn Cassidy), Personnages secondaires (Joyce Johnson, compagne de Kerouac), beaucoup n'ont pas été publiés.
L'histoire a maintenu Off the road, nombre de femmes dont on réalise aujourd'hui qu'elles furent nombreuses, brillantes, libres. Elles aussi firent la route, mais pas seulement au sens propre : les obstacles qu'elles durent braver pour vivre libres, aimer librement, écrire voyager étaient autrement plus durs pour elles que pour leurs homologues masculins. (...) Elles ont pris beaucoup plus de risques que les hommes pour s'approprier le contrôle de leur corps et le volant de leur vie.
Les Inrocks - Off the road est le titre écrit par Carolyn Cassidy épouse de Neal Cassidy.
Ce qui est décrit dans l'article, outre la (petite) liste ce qui a été édité par ces femmes est la mécanique qui résulte à les gommer, à ne pas les prendre en compte quand on raconte la Beat Generation.
Les obstacles, il y en avait, déjà pour vivre selon le modèle rêvé de la Beat Génération : Hettie Jones forme l'un des premiers couples mixtes avec son conjoint Everette LeRoi Jones avec qui elle a deux enfants, qu'elle élèvera seule dans une Amérique blanche et raciste après leur divorce.
Alors de là à être publiée! Et pourtant Hettie Jones a continué à écrire et à publier d'autres qu'elles.
Ces femmes cherchaient d'abord à vivre et à se libérer plutôt qu' à faire savoir au monde leur (grande) expérience. Une attitude bien différente de tous ces hommes qui nous expliquent le monde (
dès lors qu'ils voyagent par exemple).
Leur entreprise littéraire est d'une authenticité fantastique, raconte Bruno Doucey (le premier éditeur). On a finalement moins le sentiment qu'elles font oeuvre ou carrière littéraire que les hommes. Chez elles, l'insurrection, la rébellion, le refus de toute forme de reddition n'est pas une posture ni un fonds de commerce. Les Inrocks
Cet éditeur salue leurs forces, et précise qu'elles ont continué à écrire bien après la fin du mouvement, parce que pour elles, c'était une nécessité.
Ue nécessité pour d'autre, comme Goliarda Sappienza et une attitude d'éditeur différente. A l'occasion de l'adaptation au théâtre l'année dernière, il y a eu remise en avant de l'art de la joie, des mémoires de son conjoint (Angelo Pellegrino) et de quelques uns de ses autres livres à elle. Son éditeur en France Frederic Martin a eu le micro de quelques émissions radio (France Culture notamment) où il dit tranquillement, en réponse à la question de la journaliste "les refus de publication sont ils liés au fait qu'elle était une femme?"
Je ne me pose jamais la question du sexe de l’auteur, et je pense même que je suis assez mauvais pour deviner le sexe d’un texte. Il est vrai que c’est un livre où, dans les 30 premières pages, il y a quand même l’inceste qui est présenté de façon absolument hétérodoxe, le matricide, le sororicide, l’assassinat de la mère supérieure, cela toujours avec ce même désir de liberté, et pour une culture catholique italienne ce n’était pas évident d’accepter ce texte. Néanmoins, on est dans les années 70, et ça me semble un peu court pour expliquer son refus.
Il ne dit pas oui, ni non . Il dit que lui l'aurait publier (facile après coup) il a son explication pour les raisons du refus des éditeurs dans les années 70, tout en se disant que ce n'est pas suffisant : bine avant les auteurs de la Beat Generation publiaient tout aussi peu orthodoxe dans une Amérique prude mais pas les femmes. En Europe, la période post 68 a connu une grande vague de libération sexuelle, où beaucoup se sont perdus en chemin prônant la liberté sexuelle des enfants. Un livre qui parle de sexualité, qui ne condamne pas l'inceste (c'est ce qu'il veut dire par hétérodoxe) aurait eu sa place auprès de tous les écrits de Matzneff, mais lui était un homme. La journaliste - Marie Richeux pose la bonne question.
Parler du sexe d'un texte, c'est se tromper de débat. C'est un argument qu'on me donne souvent quand je dis que je ne lis plus que des femmes (ou des personnes transgenres) : "la littérature n'a pas de sexe".
Elle a un genre, elle a un vécu genré, elle a une socialisation genrée, un parcours genré et un narratif genré:
Pour les autrices, on trouve 57% de personnages féminins et 43% de personnages masculins, tandis que pour les auteurs, 30% des personnages sont des femmes et 70% sont des hommes. Le genre des auteurs et des autrices est clairement un facteur discriminant constate l'observatoire des humanités numériques.
Le sujet est bien le genre de l'auteur. Renforcé par le fait qu'un livre écrit par un homme aura une couverture médiatique bien plus importante. Nous sommes inondées d'histoire de héros, de personnages masculins, de rôles modèles masculins.
Alors quand les Inrocks (la journaliste littéraire Nelly Kaprielan, qui est aussi au Masque et la Plume) se fend d'un article sur les femmes de la Beat Generation et cite quelques unes de leurs œuvres publiées, je pends la peine de la lire jusqu'au bout (et peut être d'aller regarder les recueils de poème, ou d'offrir à l'iMari la version off the road du mouvement)
Cet article est salutaire, Wikipedia n'est pas à jour. Pas une seule femme citée sur la page de le Beat Generation.
Commentaires
Enregistrer un commentaire