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A partir d'un frigo

 
@Rencontres photographiques d'Arles - Quelle joie de vous revoir

J'ai un ami qui, quand il arrive chez quelqu'un commence par ouvrir le frigo. Du moins quand il était jeune c'est ainsi qu'il procédait. Il ne le fait plus, du moins plus chez moi, peut-être qu'après plusieurs années il connait l'organisation de mon frigo, il n'a plus rien à y découvrir, ou peut-être que désormais il m'a suffisamment cernée et n'a plus besoin de cette perspective. 
Ou tout simplement il a abandonné son habitude.
A l'époque, il disait "j'en apprends longuement en regardant le frigo de quelqu'un". 
Je ne sais quoi au juste, je ne sais pas ce qu'il a appris sur moi au travers de mon frigo, ce dut être suffisamment rassurant pour qu'on soit resté amis.
Alors évidemment quand lors d'une exposition aux Rencontres d'Arles, je tombe sur une photo de frigo ouvert, je pense à lui.
Et je demande ce qu'il a en dire de celui là?

Moi ce ne sont pas les frigos qui me lient aux gens, ce sont leurs histoires : ce sont qui ils sont et ce qu'ils me racontent. Je pense à lui et à son inspection systématique quand je vois un frigo ouvert, même 30 ans après, je pense à une telle qui adore le vert devant une photo de Sophie Calle et une légende qui raconte que le "vert c'est beau"  je pense à un autre à cause du Japon et de ses envies de voyage lors d'une rétrospective de la photographie japonaise.
Je suis comme le renard avec le Petit Prince : quand il voit les blés d'or comme sa chevelure, il pense à luiet ce qui le rend unique. Une fois apprivoisée, je suis pleine de liens, j'y pense au moindre fil.
Une même exposition tire des fils dignes d'Ariane, et génère tout un panthéon de personnes, plus ou moins proches, sans forcement de connexions entre elles, j'en tisserai une véritable toile d'araignée, si je me laisse aller.
Et c'est vivant, ça circule, souvent par des fils WhatsApp, c'est tout de même poétique que les correspondances des uns et des autres (Albert C et Maria C, Karen Blixen avec sa famille...). Je serai presque nostalgique des lettres, des timbres et du passage du facteur. Je l'ai déja dit. Le fil WhatsApp le mérite de la spontanéité, et probablement que je donne plus de signes plus qu'autrefois. Ma toile est désormais dans mon téléphone.
Peut etre qu'aujourd'hui cet ami inspecterait mon téléphone pour en "apprendre longuement", plutôt que mon frigo qui ne contient toujours que des oeufs, des légumes et du fromage.

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