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| Automne dans les Hautes-Alpes |
A croire que c'est un prix de consolation.
Encore une fois il n'a pas eu le Goncourt, et pourtant il en cochait des cases du portrait robot (dressé par le Monde du "Goncourisable"
9 fois sur 10 le Goncourt est attribué à un homme (tiens donc!).
Un homme plutôt dans sa quarantaine ; trop tard, il a déja 67 ans.
Un français la plupart du temps : il est l'alibi culturel de la littérature française, si on ne lit qu'un auteur on lit celui-là.
Edité chez Gallimard, il est chez POL (dans le groupe Gallimard) vous savez la couverture blanche et titre bleu foncé. Le Goncourt de cette année est encore dans le groupe Gallimard.
Il a eu le prix Fémina, pour la classe de neige. Lu dans mes jeunes années.
Il a eu le prix Renaudot pour Limonov. Jamais lu, bien que chaudement conseillé par mon médecin préféré notamment.
Et le prix Médicis, cette année pour Kolkhoze.
Il était parmi les finalistes pourtant, des deux prix, comme Laurent Mauvignier.
L'un a eu le Goncourt l'autre le Médicis.
Prix de consolation, je vous dis.
Je ne lirai pas plus cette année que les précédentes, Emmanuel Carrère. J'en ai tellement marre de voir sa tête partout sur les publicités dans le métro et sur les bus, que c'est devenu épidermique.
Plus de chances que je lise le Gouincourt. C'est un nouveau prix littéraire, lancé en 2025, sur la culture lesbienne. Des femmes, et des personnes transgenres. Espérons qu'il tienne dans la durée.
Pas une, mais 4 lauréates : Fatima Daas, Wendy Delorme, Nelly Slim et Sabrina Calvo (de la poésie!)
Evidemment, je ne connais que les deux premières, et je n'en ai lu aucune. J'ai donc cherché et trouvé. Extrait :
Liberté du tissu qui s'échappe
comme la vie elle-même. Laisser
cette porte ouverte au mouvement,
la laisser ouverte juste le temps qu'il
faut pour contempler l'absence et se
résigner à laisser filer. Toute chose
passe. Ton ombre dans l'escalier du
temps et la porte en bas du monde
qui se referme. Ça respire.
Sabrina Calvo - Mais cette vie-là. demande. toujours. plus. de. lumière.
Dans le jury du Gouincourt, entre autres : Virginie Despentes, qui a été juré du Goncourt jusqu'à ce qu'elle démissionne en 2020 et Anna Mouglalis.
Depuis la rentrée, je suis allée deux fois au théâtre, deux fois des pièces qui met à l'honneur la pensée féministe, et ces deux-là.
Une mise en scène de La chair est triste hélas de Ovidie interprétée par Anna Mouglalis. Un coup de point, un retournement, la douche froide, avec la voix grave de Anna M. Un contraste surprenant, entre le texte et cette voix. Si on écoutait en fermant les yeux les paroles d'Ovidie prononcées par l'actrice, on peut imaginer que c'est un homme qui parle. Une voix qui nous raconte pourquoi elle fait la grève du sexe avec les hommes. C'est percutant et effrayant. J'ai emmené l'iMari, qui apprécie les réflexions, se rend compte de "ses privilèges", ouvre ses oeillères, éclaire ses angles morts... Bref se documente et apprend, autant pour lui que pour nos enfants.
J'aurai du aussi amener tous ces hommes de mon entourage qui en ont ras le bol du féminisme, qui ont la même réaction au mot et au concept que moi avec E. Carrère. Ces gens qui pensent que les féministes en font trop, qu'elles se trompent de débat, qu'elles s'y prennent mal... Cerise sur la gâteau énoncé tel le cri du coeur sur le sujet :
J'en ai marre du féminisme, on ne peut même plus pisser debout
Joli résumé entendu dans mon entourage masculin contre le féminisme
Ah Messieurs, vous êtes encore nombreux à pisser debout, que certains endroits en plein Paris sentent encore vos passages. La pensée féministe peut-être dérangeante, c'est sûr, presque autant que ces coins de rue où vous pissez debout.
Même pour nous les femmes cette pensée peut être dérangeante , quand on se rend compte de jusqu'où on a laissé faire, de ce dont on ne s'est pas rendu compte, de ce qui nous semblait si normal....
Et pourtant si ces hommes-qui-pissent-encore-debout prenaient quelques minutes pour écouter, peut-être ils en prendraient la mesure (tout en continuant à pisser debout).
Évidemment que nous sommes mal baisées, c’est justement ça, le problème ! Pourquoi devrions-nous en avoir honte ? Ce serait plutôt à nos partenaires de raser les murs ! Ils ont leur part de responsabilité dans cette affaire, me semble-t-il. Je ne suis pas mal baisée parce que je suis féministe, c’est absolument l’inverse : je suis féministe parce que je suis mal baisée. Et si toutes les mal-baisées de la terre s’unissaient, elles créeraient le mouvement politique le plus puissant de tous les temps et le monde imploserait.
Ovidie - la chair est triste, hélas
A ma connaissance, il n'y a toujours pas de prix pour la littérature féministe, de celle qui fait avancer la pensée. Le prix Fémina a été en son temps (1904) créé par 22 femmes (collaboratrices d'une magazine qui s'appelait la vie heureuse, pas mal comme titre pour un magazine destiné aux femmes) en réaction au Prix Goncourt. Cette année-là a été la goutte qui a fait déborder le vase des prix littéraires en matière de misogynie (ce qui a été dit à l'époque). Il n'empêche que le prix Fémina ne récompense pas que des femmes et se marche dessus avec le Goncourt, à tel point qu'un accord tacite entre les deux alterne chaque année les dates de révélation des lauréats. De là à penser que c'est un prix de consolation...
La deuxième pièce vue - avec l'iMari - est une mise en scène de King Kong théorie de Virginie Despentes. Elle est clivante Virginie Despentes, par son style, son langage, sa liberté de vie . Elle est aussi celle qui a mis à plat les grandes idées du féminisme français d'aujourd'hui. Bien sûr elle ne l'a pas fait seule, elle s'est inspiré de toutes celles avant elles, des Américaines souvent, en y mettant sa touche crue, sans compromis, parfois avec violence qu'elle revendique comme un droit à l'égal de celle des hommes.
Le livre a vingt ans (date de 2006), la pièce a une dizaine d'années, remise à jour avec Meetoo et le procès Pélicot par ex.
Une des actrices dans la pièce est celle qui joue le personnage Liz Berstein dans le bureau des légendes - l'auditrice de la saison 1, la traitresse, la machiavélique, le bourreau émotionnel de Raymond (pour celles et ceux qui s'en souviennent). Son nom est Anne Azoulay, sa présence est impressionnante sur scène, sa manipulation (au sens de mettre la main dedans) du texte est magistrale. Je rappelle que le livre est un essai, avec des chapitres et des thèmes, loin d'un pièce de théâtre pour un vendredi soir. Un texte sur la liberté de faire comme les hommes (ou pas), d'assumer toujours et de ne pas s'attacher aux attentes sociétales. Une attaque en droite ligne du mariage hétérosexuel devant un public de couples de tout âge, des pères-fils (surprenant, à quel moment le fils propose au père d'aller voir ce spectacle!)
J'écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf. Et je commence par là pour que les choses soient claires : je ne m'excuse de rien, je ne viens pas me plaindre. Je n'échangerais ma place contre aucune autre parce qu'être Virginie Despentes me semble être une affaire plus intéressante à mener que n'importe quelle autre affaire.
Je trouve ça formidable qu'il y ait aussi des femmes qui aiment séduire, qui sachent séduire, d'autres se faire épouser, des qui sentent le sexe et d'autres le gâteau du goûter des enfants qui sortent de l'école. Formidable qu'il y en ait de très douces, d'autres épanouies dans leur féminité, qu'il y en ait de jeunes, très belles, d'autres coquettes et rayonnantes. Franchement, je suis bien contente pour toutes celles à qui les choses telles qu'elles sont conviennent. C'est dit sans la moindre ironie. Il se trouve simplement que je ne fais pas partie de celles-là. Bien sûr que je n'écrirais pas ce que j'écris si j'étais belle, belle à changer l'attitude de tous les hommes que je croise.
Virgine Despentes - King Kong theorie
D'une chose à l'autre je passe de l'agacement de Carrère aux moches et aux vielles imbaisables, avec un détour par la poésie. Rien que pour ça, je pardonne son Medecis à Carrère, (voire à ces hommes de pisser encore debout).
C'est ma consolation de cette overdose médiatique de Kolkhoze.
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