Accéder au contenu principal

Mausolée de l'enfance

Gabriele Münter

Ce week-end on a démonté et vidé une chambre d'enfant. Une chambre qui avait déja eu son évolution et qui se prépare pour la suite. Comme nous. 

Quand on a emmenagé dans la maison, elle fut occupée par le dernier iAdo, elle a grandi avec lui, la dernière configuration était celle du collégien : avec son lit en hauteur, ses marches pour y accéder, son bureau tout en longueur dessous. 
C'était la première fois qu'il avait une chambre pour lui seul. En Chine, il partageait une immense chambre avec sa soeur et les quelques mois de retour en France il partageait une minuscule avec sa soeur et son frère. Et d'un coup, il s'est retrouvé seul. Il a pleuré, soudoyé son frère er dormi quelques nuits avec lui, mais celui-ci aime son espace et apprécie sa solitude, depuis toujours. Le dernier, qui était loin encore d'être un iAdo, il était juste un Bébounet, a alors changé de tactique et son nomadisme nocturne l'a amené jusque dans notre lit où il s'étalait en étoile. Il dormait bien, nous moins jusqu'à ce qu'on le redescende dans son lit, pas encore en hauteur à cette époque.

Puis l'iAdoe a quitté la maison, une négociation a commencé pour procéder à un échange de chambre  : une grande inoccupée avec une salle de bains, contre une petite avec un liseré vert. Le dernier iAdo a eu l'autorisation de sa soeur un an après et on a procédé à l'échange. Le transfert des affaires, un peu de tri au passage, mais tout était souvenirs, porteurs de sens pour l'iAdoe et peu de choses ont finalement été données, jetées, jusqu'à la collection de cailloux qui a traversé le couloir.

La petite chambre au liseré vert avec son lit en hauteur est devenue le point de passage de l'iAdoe, elle y entassait ses affaires, s'y affichait une poubelle de salle de bain en équilibre sur des sacs de fringues au statut indéfini, à coté d'un stand à linge, et de pile de magazines de plusieurs années... Elle y dormait peu, n'y travaillait surtout pas, elle y stockait le surplus qu'elle n'emmenait pas. Plus personne ne rentrait dans ce qui était devenu un box de stockage.

Un jour j'ai mis en vente les meubles de la chambre. Un autre jour nous étions l'iMari et moi en train de démonter l'ensemble, le lit, le bureau, les marches. L'iMari, un peu chafouin, se revoyait quelques dix ans en arrière à visser au lieu de dévisser, à assembler, imbriquer avec un Bebounet dans les pattes qui demandait sans cesse quand est-ce que ce serait fini. 
Aujourd'hui c'est bien fini, la chambre du collégien qu'il fut n'est plus. Elle est partie chez un autre collégien qui fera ses devoirs sur le bureau bleu, montera les marches pour aller se coucher, ranger son bric à brac dans les tiroirs. 

Puis j'ai vidé et nettoyé. J'ai retrouvé des playmobils dans des coins, des scotchs bien incrustés sur le parquet, des crottes de nez sur les murs. Murs refaits, plâtre, peinture, le liseré n'est plus vert. Le parquet brille de nouveau, ciré. Il glisse bien et sent bon.
Un lit double est arrivé quelques jours après, le vent a soufflé, la disposition de l'espace s'en est trouvée chamboulée. Il n'y a plus de traces, ni de ressemblance avec la chambre de l'enfance. 

Dans le mouvement, j'ai tout mis en vente : les lits des autres iAdo, les meubles d'enfance : tout est sur le bon coin. Ils partent petit à petit. Et ce qui ne part pas se retrouvera avant l'hiver à la ressourcerie, au recyclage, ou dans la rue. 
L'étage ne sera pas un mausolée de l'enfance.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Je te souhaite

Borne, une lumière pour nous guider Je te souhaite un ciel étoilé à contempler, une remise en ordre dans les constellations,     -  Aldeberan, Betelgeuse et Antarès sont mieux rangées      que dans ta bibliothèque, des contes qui organisent le bordel laissé  par des héros destructeurs qui se prennent pour des mythes. Je te souhaite  des promenades dans les pas d'autres que toi  de croiser les trajectoires de ceux qui habitent là,  de les deviner sans les voir -  eux ne te louperont pas -  apercevoir leurs empreintes, imaginer leurs chemins sont déjà un luxe Je te souhaite  d'entendre  la couche craquelée qui scintille de t'enfoncer dans le velours de la neige tout juste tombée de te couler dans le crissement de sa rondeur  quand tu avances. Je te souhaite une montée entre chien et loup une arrivée à la nuit un dernier regard aux couleurs qui se couchent la chaleur du refuge après l'effort. Je te souhaite  de...

Désintoxication

Ce qui déborde Plus d'un mois. presque deux. Un mois et vingt jours exactement. Pour l'instant, je tiens.  Un jour après l'autre. Je ne crois pas avoir passé aussi longtemps sans. Cinquante et un jours que je n'ai pas mis les pieds dans une librairie. Je me rappelle bien la date, parce que j'ai un mail de la libraire, ils se sont trompés dans le décompte, j'ai payé un livre en double et ils me font un avoir.  C'était des cadeaux. Il y a fait juste un seul livre pour moi, deux tout au plus.  Je suis presque tentée d'essayer un an sans librairie. Un an sans acheter de livre. Je lirais tous ceux que j'ai en stock. Je relirais tous ceux que j'ai aimés de mes étagères. J'ouvrirai enfin tous ceux qu'on m'a offert et que je n'ai pas touchés.  Et s'il le faut, je reprendrai un abonnement à la bibliothèque. Ou alors j'y retourne après épuisement des stocks. J'hésite encore. Je ne sais pas bien à quoi rime cette nouvelle idée. O...

Vivre en poésie

Dîner à l'arbre vagabond Il y a un an à cette époque de l'année, je recevais une carte postale avec quelques lignes de Ito Naga, que je ne connaissais pas. je me suis émue de sa poésie. Comment aurais-je pu faire autrement ?  D'autres que moi ont tissé des liens entre Ito Naga (j'adore la sonorité de ce nom), les Editions du Cheyne, une implantation géographique, un festival de lecture et des gens que j'aime... ou devrais-je dire : ont lancé leur filet et m'ont (forcement) attrapée?  je sens n'est pas je sais  je sens décrit l'autre moitié du monde  Ito Naga- Je sens Je ne pouvais pas ne pas y aller.  Je ne pouvais pas ne pas aller là où se mêlent amitié, poésie, librairie et... cerise sur le gâteau :  montagne. Je suis assez facilement cernable. Une proie facile. Laissez-moi dans une librairie j'y passe du temps. Laissez-moi dans une libraire dédiée à la poésie j'y reste longtemps.  Laissez-moi dans le coin poésie d'une librairie à dîner ave...