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Expo Intime au musée des arts décoratifs |
J'ai trouvé un programme qui me plait au plus haut point : dormir plus, lire beaucoup, faire l'amour et marcher.
C'est la description de la décroissance par Gabrielle Filteau-Chiba, écrivaine québécoise qui était sur France Inter le 31 janvier dernier dans la tête au carré.
Je la suis depuis que j'étais tombée sur Encabanée en 2021, je lisais en pleine canicule grecque le récit de son hiver seule dans une cabane isolée en Kamouraska, et j'ai récidivé l'année dernière avec sa fiction Sauvagines.
Alors forcement j'ai écouté avec délectation son passage de 48 minutes, son accent et son franc parler.
Et son programme de vie !
Après 8 ans à vivre dans la forêt du Kamouraska, elle est retournée en ville, pas une grande ville, plutôt un endroit où il a du monde, une école, des gens autour. Elle a une fille et pense qu'il vaut mieux élever sa fille entourée de monde, d'amis, histoire d'être sociabilisée. Elle a vendu sa cabane, elle achète des terres dans des montagnes, dans des forêts, dans des endroits convoités par des grandes entreprises, pour empêcher des projets immobiliers ou des passages d'oléoducs par exemple.
Elle rit à gorge déployée à l'idée du Canada annexée par Trump. Qu'il essaie!
C'est un moment de grande fraicheur sa voix dans les oreilles, un moment de grand luminosité ce matin-là gris dans le métro, de grand espoir après avoir pris un café au parc Monstouris avec un copain à se partager nos hallucinations.
En conclusion de ce café matinal, nous nous sommes dit tous les deux que nous devrions arrêter de lire Le Monde le matin.
Ça nous éviterait de nous demander si lui à Palaiseau est plus ou moins contaminé par les Pfas que nous à Arcueil. Retour aussi à quoi sert d'accorder aux agriculteurs qui veulent légitimement mieux vivre le droit d'utiliser les pesticides qui les tuent eux et leur famille rapidement, et nous empoisonnent nous, à petit feu, plus lentement mais tout aussi sûrement. Dès qu'on se penche sur le sujet, on sait que ce ne sont pas les agriculteurs derrière tout cela, mais l'industrie alimentaire. On sait que le système est malsain que l'industrie exploite les agriculteurs, les sols et la santé de ceux qu'elle pense nourrir.
Bonne nouvelle la FNSEA aux dernières élections a perdu son grand monopole (toujours dans Le Monde). On est loin de la révolution, c'est simplement de l'évolution.
Nous sommes aussi passés au système de santé, au redressement judiciaire de l'Institut Mutualiste Monstouris qui a vu naitre mes trois enfants, à la complémentaire de santé en ligne Alan, qui perd de l'argent, mais qui est renflouée par des investisseurs parce que ce qu'elle a (ou aura) à vendre bientôt ce sont toutes les données de santé de ces adhérents et bien plus encore. Pas n'importe quelles données, notamment celles de certains ministères. Chers investisseurs, mettez votre argent à l'Institut Mutualiste Montsouris plutôt que dans un système assurantiel détenu par quelques uns qui un jour feront la bascule en vendant nos données.
Deux modèles : le modèle mutualiste basé sur la solidarité : on rassemble nos cotisations pour se couvrir ensemble et on gouverne ensemble (un homme = une voix dans le système mutualiste) et on produit des soins avec nos établissements. Un modèle assurantiel lancé par deux gars de la tech, financé par la Bpi (l'argent public de nos impôts), qui un jour mettra la clé sous la porte et vendra les données collectées (les nôtres encore). Qui ne produit aucun soin. Un acteur qui recycle de l'argent (public souvent) et qui pompe gratuitement ce qui ne lui appartient pas (avec notre accord). L'art de chopper de l'argent sans aucune valeur ajoutée.
Puis Trump forcement. En nous disant qu'il fallait peut-être juste patienter que quelqu'un se charge de lui faire son affaire. Les Américains en ont assassiné des tas, bien moins pénibles que lui.
Bref ce grand backlash mondial nous a un peu plombé notre journée, alors que nous allions bien.
Nous aurions besoin d'aller lever plus loin.
Que fais tu avec ta tente sur les épaules ? demandais-je à Clarence alors qu’il s’éloignait subrepticement, hors de son village, vers la foret. « Je n’entends rien ici. Je ne vois rien non plus. Trop de bavardages, trop de confort, trop de famille et pas assez d’autres. Je sors rêver plus loin.
Corine Morel Darleux – Alors nous irons chercher la beauté ailleurs
Nous ne pouvons pas tous aller vivre en forêt, isolés monde. Nous ne serions plus isolés. Nous n'avons d'ailleurs pas tous envie de ça. Mais si nous étions plus nombreux à dormir plus au lieu de passer du temps en streaming, ou sur les réseaux sociaux, ou encore à faire parler une IA pour des âneries ça limiterait la consommation d'énergie et d'eau à des niveaux considérables. Marc Jancovici nous prévient : il va falloir choisir entre parler à une IA ou manger. Mon choix est évident.
Lire beaucoup résoudrait aussi un certain nombre de problèmes. Un livre est un jardin dans la poche a écrit quelqu'un (je ne sais pas qui, je l'ai lu récemment sur ... les réseaux sociaux - cherchez l'erreur). Lire augmente l'empathie, nous emmène en voyage, cultive nos imaginaires, nous éduque aussi et probablement, heureusement, développe notre esprit critique. Lire nous outille voire nous arme pour comprendre ce qui nous entoure, j'ose espérer que lire beaucoup signifie aussi étendre ses lectures pas uniquement Céline ou Cinquante nuances de gris (je n'ai lu aucun des deux), et diversifier ses lectures. Un copain qui me partage régulièrement ses lectures m'envoyait l'essai du moment qui était sur sa table de chevet en me disant "sublime".
Je te crois. Trop d'hommes sur la couverture. (trois auteurs pour un seul livre)
Trump fait-il suffisamment l'amour ? J'ai du mal à me dire qu'un homme qui laisse brandir des pancartes "Your body, my Choice, for ever" connaisse le mot amour.
L'introduction des écrans dans les chambres à coucher a eu la peau de la libido (toujours dans Le Monde). On règle deux sujets d'un coup celui de la consommation des données (ie energie + eau) et celui de l'angoisse ou de l'éco-anxiété qui diminue quand on est en relation (nous disent les statistiques), bien mieux que d'acheter des trucs en plastique sur internet depuis son lit.
Quand à marcher, je ne peux que souscrire. Marcher fait du bien à tout le monde, quiconque marche est un donneur universel. Il n'est même pas nécessaire de compter ses pas avec son smartphone, ni de le publier sur Strava. Juste de marcher, comme hier après ma longue journée qui m'a amené dans le brouillard et crachin d'Abbeville (Picardie), puis sous les toits d'un immeuble trop chauffé à Opera l'après midi enfin à finaliser un document à envoyer pour une cliente avant le week-end.
A 18h30, dehors, une petite envie de marcher. Il est tard, prends le metro. Il est tard, et j'ai de nouveau un peu d'énergie. Il est tard et j'ai envie de marcher. Les vingt cinq minutes qui m'emmènent aux Halles ont été la perle de la journée, le moment frais et vivifiant qui me font oublier les absurdités du monde (avec ou sans majuscules).
C'est comme si au milieu de la ville, dans la lumière du soir, le froid de la fin de journée, j'étais allée rêver plus loin.
Donc oui Gabrielle, je pourrai me mettre activement à la décroissance.
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