collage quand je suis en manque d'été |
Quelqu'un m'a dit que je ne pouvais pas, comme ça, mettre fin à la relation avec Sylvain. Il fallait travailler d'arrache-pied à cette relation en s'attachant à ce qui avait de bien chez l'autre. Un peu comme Bouvier dans ses conseils de voyage "chercher les qualités".
Sauf que le temps qu'il me reste, je veux le consacrer à d'autres lectures. A des lectures qui parlent d'autres vies que la mienne, à d'autres vies que celles que je connais, que j'ai déjà lues, que je côtoie.
Il n'y a pas si longtemps que je l'ai formulé tel quel, c'est venu à force d'avoir expliqué pourquoi je ne lisais plus d'auteurs masculins, mais uniquement des femmes ou des personnes issues de minorités.
Je ne lis plus que d'autres vies que la mienne (c'est d'ailleurs un titre de Carrère).
Me ressaisir d’une expérience du monde dans l’écriture, « appartenir au monde » dit Morrison (Toni) c’est penser des organisations plus vastes que moi (classes sociales, tribus, multitudes) et y chercher des formes, des motifs répétés, des faisceaux de sens et de facteurs, au-delà de récits simplistes qui me les ont masqués.Alice Zeniter – Toute une moitié du monde
Et le temps qu'il me reste.
Le temps qu'il me reste n'est pas infini. Je vois le drapeau d'arrivée sur le GPS, même si mon coeur tout neuf porte en lui des promesses de longévité en bonne santé.
Je ne peux pas me permettre, je ne veux pas me permettre de lire et relire Tesson, je veux densifier, découvrir, apaiser ma curiosité, nourrir ma pensée, voyager. Pour vivre plusieurs vies en une.
Je lis pour abolir le scandale qui consiste à n’avoir qu’une seule vie, pour reprendre la belle expression de Vincent MessageAlice Zeniter – Toute une moitié du monde
Chose curieuse, en parallèle de mes réflexions sur Tesson sortait cette tribune contre son parrainage du printemps des Poètes. Tribune que j'ai lue. Elle est mal écrite pour des poètes. Ils auraient au moins pu se fendre d'une forme poétique, ou soutenue, ou belle ou drôle. C'était la lettre des lycéens qui se prennent pour des écrivains, qui ne se sont pas relu et qui font de fautes, en plus de ne pas vérifier leurs sources.
Je ne sais pas si Tesson est d'extrême-droite. Je ne me sens pas une tentation de voter plus à droite après ses livres ; je le trouve plus misanthrope que haineux de l'étranger (il y en aura bien qui trouveront un lien direct entre misanthropie et extrême-droite). Je sais qu'il a fait la couverture du Point cet été, pas de Libé ni du Nouvel Obs, il a eu animé des tables rondes avec des gens que je ne fréquenterais pas, ni ne lirais. Une tribune, suivie d'un contre-tribune qui écrit en substance que la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe. La Présidente de l'évènement a fini par démissionner.
En écoutant un podcast sur la poésie l'autre soir (Poésie et ainsi de suite) la moitié de l'épisode était consacré à Tesson et pourquoi pas lui parrain de ce printemps. L'effet produit est surtout un règlement de comptes entre gens du sérail et il est cité pour preuve de la démonstration de son extrémisme un long article de Françoise Morvan (que je ne connaissais pas avant et qui a l'air d'être une personne polémique). Je me suis penchée sur l'article (très long) pour en arriver à la conclusion qu'elle et moi n'avions pas lu le même livre.
C'est une affaire de symbolique très pointue entre gens qui se croisent en milieu fermé, une polémique qui ne peut pas être résumée en quelques mots puisqu'il faut presque les 30 minutes de l'émission pour au final ne rien comprendre.
Cécile Coulon - qui, elle, écrit et publie de la poésie et est connue (pas comme les trois invités de Poésie et ainsi de suite) a plié le débat :
Si toutes les personnes qui aujourd'hui parlent de cette tribune mettaient autant d'énergie à acheter de la poésie, à en lire qu'à parler de cette tribune nous n'aurions pas besoin du printemps des poètes pour faire connaitre la poésie en France.Cécile Coulon sur France Culture
CQFD : Je ne connais pas le printemps de poètes et je ne sais pas si Tesson doit être le parrain, et j'ai laissé tomber Poésie et ainsi de suite pour passer sur L'expérience Poétique et écouter des poèmes.
Puis elle remet la balle au centre (ni à gauche ni à l'extrême-droite) : la question n'est pas celle de Sylvain Tesson, mais plutôt celle de "la poésie doit-elle être politique ou pas".
A cette question je me demande encore qui a eu l'excellente idée de proposer Patrick Bruel pour lire les textes de Manouchian pour la cérémonie d'entrée au Panthéon de ce dernier, son épouse et vingt-deux de ses camarades?
C'est quelqu'un qui s'est dit cultivé en faisant le lien entre Patrick et La place de Grands Hommes, quelqu'un qui est venu au rendez-vous dans dix ans et qui s'est retrouvé tout seul certainement.
Mais quelqu'un qui n'a pas lu la presse et qui se moque de la symbolique : à quel moment on se dit que dans une cérémonie comme celle-là c'est bien de laisser officier un gars qui est accusé d'agressions sexuelles?
Autant je ne sais pas si la poésie doit être politique, autant je suis choquée que Bruel soit en première ligne sur cette cérémonie officielle.
Ah j'oubliais, les agressions sexuelles sont la grande cause du quinquennat, on met donc les agresseurs sur le devant de la scène.
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