Le chant des étoiles - Fabienne Verdier |
Je l'ai croisée pour la première fois il y a longtemps, c'était il y a plus de dix ans, j'agitais en Chine dans une très grande ville perdue,où nous étions une minorité d'occidentaux. Elle y avait habité elle aussi trente ans auparavant, encore plus seule, dans une ville encore plus grande et encore plus perdue. J'avais lu Passagère du silence en hiver aussi, dans l'humidité du lieu, et "avais ressenti exactement les mêmes sensations qu'elle décrivait alors sur le froid, l'humide, l'isolement, l'imperméabilité des gens qui ressemble vite à de l'ésotérisme, la difficulté des ponts à créer avec des Chinois, leur méfiance, et leur hostilité vis à vis de l'art et la culture, ces symboles bourgeois.
Alors j'imagine quand elle y était en 1983, pour apprendre l'art de la calligraphie et tout le reste autour comme cela n'a pas du être facile. Se pencher sur l'histoire ne se faisait pas en Chine à l'époque, c'était suspect. Ces grands tableaux m'ont tout de suite parlé, dans les livres, sur le net. Jamais en vrai. Elle est représentée dans une galerie parisienne, dans le 16è arrondissement, je n'y suis jamais allée. Trop loin.
Mais je suis allée à Colmar. Je suis allée voir le chant des étoiles. J'en ai pleuré d'émotion, de beauté, de sens. Peu d'expériences de beauté comme celle-là (Cy Twombly, Georgia O'Keefe, le Boléro dansé par Sylvie Guilhem, le soleil levant sur le Machu Picchu et les jeux de lumières sur le Taj Mahal probablement dans le désordre).
A Unterlinden - remanié il y a quelques années - il y a un parcours crescendo de ses œuvres en résonance avec certaines exposées au musée. L'histoire veut que pendant le confinement, elle s'est promenée à Unterlinden, et en s'arrêtant devant certaines œuvres - des anciennes et des modernes - elle y a choisi en miroir quelques-unes des siennes. C'est comme ça qu'on peut voir des tableaux plus anciens des années 2000 et pas juste les 74 toiles du chant des étoiles.
Des pages de son carnet de travail sont aussi exposées, aussi beaux que les oeuvres elles-mêmes.
J'y couche la poésie du jour.
Un peu comme une chasse aux trésors, nous avons parcouru, mon iFille et moi, le musée en montant, descendant, enfilant des couloirs tortueux, des escaliers en colimaçons, qui mènent à des salles les plus reculées et des passages les plus ouverts, à la recherche des tableaux de Fabienne Verdier. Nous avons été abordées par un gardies et une gardienne des salles, il et elle avaient envie de partager sur ce qui été exposé là, les rencontres avec les artistes, le renouvellement du musée...
A pleurer. A plonger. A regarder ensemble, et séparément. Les unes après les autres.
Aakash : voute celeste (Télougou, Andra Pradesh, Inde)
Kandhra : qui va dans le ciel (Tibétain)
Layla : nuit (Arabe dialectal, Yemen)
Elle peint la vibration de la couleur, de la matière, de sa résonance avec le monde des vivants.
Recherche autour des vibrations de pigments en tentant de créer des frontières aléatoires entre les différentes longueurs d'onde de la couleur. Fabienne Verdier sur son compte Instagram
Ce qui me fascine est comment elle raconte ce qu'elle peint : l'énergie qu'elle sent, l'humeur qui la traverse, le mouvement qui lui vient... Et ça se voit, ça émane de ces peintures, je le sens, le ressens dans mon corps. Elle arrive à transmettre une émotion en asynchrone, et que cette émotion se reproduise quand on se plonge de nouveau dans la contemplation.
Je crois que ce c'est qui me rapproche le plus du divin, et de me tenir appartenir à un tout plus grand que moi.
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