Accéder au contenu principal

Ce qui m'embête (# Maria Pourchet # Neige Sinno)

Champsaur

J'ai lu à la suite Western de Maria Pourchet et Triste Tigre de Neige Sinno. Vue de loin, les deux livres n'ont en commun que d'être phares dans la prolifique rentrée littéraire. Ils n'ont d'ailleurs pas le même rythme Western est galopant pour reprendre l'adjectif le plus utilisé dans les critiques et je l'ai lu avec lenteur, tandis que Triste tigre est lent et je l'ai lu d'une traite. Quant aux histoires, elles n'ont a priori - encore une fois vues de loin - rien à voir : Western se veut celle d'une rencontre entre deux personnes brisées par leur époque qui  construisent une nouvelle  relation, tandis que Triste tigre est le récit de l'autrice pour se délier, ie se détacher, couper les liens, d'avec ce beau-père, mari de sa mère,  qui l'a violée toute son enfance. 

D'un côté on noue, de l'autre on dénoue.

Pour celles et ceux qui voudraient lire les deux livres sans en savoir trop, ne pas lire ce qui suit.  

Pourtant, les deux hommes dont on parle dans ces livres ont des traits communs, celui des hommes dans ce monde qui se croient tout permis jusque parce qu'ils sont des hommes, qui prennent parce que c'est là, qui font ce qu'ils font parce que "ils le peuvent". Les deux s'en sortent. Aucun des deux n'a mon indulgence, mais dans Western l'autrice lui trouve une porte de sortie, un mea culpa en forme d'autocritique publique qui, encore une fois, le met sur le devant de la scène (décidément, les hommes ne savent ni se taire, ni se faire discrets).

On peut se dire qu'ils sont perdus, on peut se dire qu'ils paient leurs erreurs, on peut leur trouver plein d'excuses ou de circonstances atténuantes, ils sont, dans les deux histoires,  dans une position dominante, en se "servant" de ce qu'il ont sous la main (en l'occurence une jeune femme et une enfant) sans se poser plus de questions. Et quand ils se font rattraper, ils sont d'abord surpris. Ils paient leur tribut et hop c'est reparti pour une nouvelle vie, parce qu'eux aussi ont droit à une nouvelle chance.

Dans Western, l'acteur célèbre (il en a plein les journaux des comme lui) est un "dom Juan" (rôle qu'il joue d'ailleurs au théâtre) qui séduit une toute jeune femme de 30 ans sa cadette, elle est sous emprise, il vampirise sa vie puis la lâche brutalement, ce qui mène la jeune femme au suicide. Il part se cacher en province, où il rencontre une autre femme qui se terre avec son fils d'une vie à la fois trop dense et trop abstraite. Et la rédemption commence là. La plainte contre lui est finalement classée sans suites faute de ... je ne sais quoi, comme dans la vraie vraie. 

Ce qui m'embête c'est le happy end, c'est le mec qui renaît grâce à cette rencontre. 
Ce qui m'embête, c'est qu'il ne paie rien, à peine sa réputation. Une a perdu la vie, lui quoi? 
Ce qui m'embête c'est que ses actes n'ont aucune conséquence pour lui.
Ce qui m'embête c'est qu'il est sauvé par une femme ; en un tour de passe-passe on rejoue la scénario des femmes qui sauvent les hommes.
Ce livre est une version bisounours de Cher Connard de Virginie Despentes.

Dans Triste tigre de Neige Sinno, le beau-père violeur est dénoncé ; elle a une vingtaine d'année quand elle le fait, supportée par sa mère. Le gars reconnait les faits, ce qui sera l'occasion d'un procès qu'elle a voulu publique, il est condamné à 7 ans de prison (la même durée que celles des viols), il en fera 5 pour bonne conduite. il sort de prison, marche sur les chemins de Compostelle, rencontre  une jeune femme de 25 ans sa cadette (il a le même écart d'âge avec sa nouvelle compagne qu'avec sa belle fille), s'installe avec elle et ont 4 enfants ensemble (comme dans sa vie d'avant avec la mère de sa belle-fille). 
Ce sont les mêmes choses qui m'embêtent, en plus grand, plus dense : dans Triste tigre c'est la vraie vie. Le gars habite avec sa famille dans le sud la france, il a une ferme bio et il reçoit du jeune public. Ses enfants ont école  à la maison. Le scénario se répète, sous les yeux de tous.
Sous les yeux de sa nouvelle compagne. 

Je crois que ce qui m'embête le plus au final est la complicité des femmes dans les deux histoires, la fictive et la réelle) 
A quel moment tu peux aimer quelqu'un sachant qu'il a violé pendant 7 ans une enfant (et qu'il a été condamné pour ça)? Ou qu'il a maltraitée sa compagne jusqu'au suicide?
A quel moment tu peux accepter un tel compagnon de vie ? A quel moment tu peux lui pardonner ce qui (me) semble impardonnable ? 

Je sais que ça pose la question de jusqu'où payer sa faute, de la double peine etc. Il est suffisamment question de Bertrand Cantat dans les médias, de ses années de prison, de son retour sur scène... pour que le sujet soit d'actualité et qu'a minima on s'arrête dessus un instant. 
Je ne suis pas obligée d'écouter les disques de Cantat, ou d'aller à ses concerts, et j'apprécierai qu'il se fasse discret. J'ai été très satisfaite que des festivals annulent sa venue cet été. A minima qu'il n'ait plus d'image publique. Un peu comme quand un homme politique a été condamné pour détournement de fonds, on ne lui redonne pas un mandat publique ensuite.

Alors pourquoi cette jeune femme, dans la vraie vie se met en couple avec cet homme et fait avec lui 4 enfants, sachant ce qu'il a fait ? Il a avoué les viols sur sa belle-fille de 7 ans, et pour se défendre, il a expliqué que c'était parce qu'il l'aimait et qu'il voulait qu'elle l'aime. 
Comment quand elle le regarde elle ne pense pas à ça? Comment quand elle voit ses enfants elle n'y pense pas ? 
Alors que moi dès que j'ai dix enfants autour de moi, je pense qu'il y en a un qui subit des violences sexuelles à la maison. 




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Je te souhaite

Borne, une lumière pour nous guider Je te souhaite un ciel étoilé à contempler, une remise en ordre dans les constellations,     -  Aldeberan, Betelgeuse et Antarès sont mieux rangées      que dans ta bibliothèque, des contes qui organisent le bordel laissé  par des héros destructeurs qui se prennent pour des mythes. Je te souhaite  des promenades dans les pas d'autres que toi  de croiser les trajectoires de ceux qui habitent là,  de les deviner sans les voir -  eux ne te louperont pas -  apercevoir leurs empreintes, imaginer leurs chemins sont déjà un luxe Je te souhaite  d'entendre  la couche craquelée qui scintille de t'enfoncer dans le velours de la neige tout juste tombée de te couler dans le crissement de sa rondeur  quand tu avances. Je te souhaite une montée entre chien et loup une arrivée à la nuit un dernier regard aux couleurs qui se couchent la chaleur du refuge après l'effort. Je te souhaite  de...

Petites aberrations et grands agacements

C'est l'automne à Cachan  Il y en a en ce moment une conférence à Pusan en Corée, celle du comité intergouvernemental de négociation sur le traité plastique. Intergouvernemental. C'est bien nommé comme ça. Ce qui signfiie que la négociation concerne les gouvernements.  Ils négocient entre eux tout ce qui concerne le plastique (de sa fabrication à son recyclage), cette année on y parle de sa production notamment pour la réduire. En tout cas c'était le but de la négociation : réduire la production plastique. L'Europe a envoyé 191 personnes par la représenter ainsi que ses pays membres.  Les chercheurs et scientifiques sont environ 70, donc des ecotoxicologistes qui démontrent tous les jours les dangers du plastique sur la santé. Les lobbyistes de l'industrie pétrochimique sont eux 220, de toutes les entreprises concernées : du pétrolier TotalEnergies, au chimiste Arkema pour ceux qu'on connait bien en France. Ils représentent sans nul doute le septième contine...

Le chouchou ultime, le roi-dieu (#portraits cambodgiens)

prise en 2008, quand l'étage du Bayon était accessible C'est mon chouchou. Il l'a toujours été. Il est beau, il est grand, il est bouddhiste, il est visionnaire. Je le vois tous les jours. Et avantage ultime, il est mort depuis plusieurs siècles.  Ça commence il y a quinze ans, avec la découverte du Bayon - même s'il faut le reconnaitre mettre sa tête sur les quatre côtés des 54 tours de son temple montagne a quelque chose de narcissique et mégalomane. Il n'empêche, le Brayon avait déja eu son effet sur moi en 2008, la première fois. Plus qu'Angkor Vat (la grandiloquence), plus que Phnom Kulen (la victoire de la forêt), plus que le Kumbh Melea (le plus sauvage). Jayavarman VII est réellement mon idole. Il trône en photo grand format dans ma salle à manger. Le beau, le grand, le bouddhiste, le visionnaire. Il est connu pour être un grand roi bâtisseur khmer, mais dans les faits il est bien plus que ça.  Comme Alienor (d'Aquitaine, parfois je me passionne pou...