J’ai acheté mon sac à dos en 1987, quand je suis partie pour mon premier voyage à 16 ans en Israël et Palestine. A l’époque c’était un objet de luxe, je l’avais eu pour mon anniversaire, il valait 600 francs, une fortune. Il était magnifique, je n’avais pas eu d’objet qui faisait autant ma joie à l’époque (sauf peut-être la collection des 8 tomes de « la petite maison dans la praire » un peu plus jeune encore).
Ce sac à dos, de la marque Millet rose et bleu, était ce qui se faisait de plus technique, il avait une poche en haut sur le rabat et à l’intérieur et c’est tout. Un long sac avec une sangle ventrale (rien sur la poitrine) et les bretelles étaient réglables.
Il était à moi.
Un sac à dos c’est synonyme de voyage.
C’est synonyme d’autonomie.
Mon autonomie, mes voyages.
Il ne m’a plus quitté. Il a fait tous mes voyages pendant toutes ces années. Les grands voyages l’été dans les conditions extrêmes, les plus petits dans l’année. Il a pris l’avion, le train, le bus, le chameau, le bateau … que sais-je encore.
Turquie, 1994 |
Il a connu la mousson au Vietnam, la poussière en Inde, le GR20 en Corse, il a été sauvé d’un attentat en Israêl, il a eu chaud en Grèce, froid dans la cordillère des Andes, mouillé par la pluie écossaise, il a servi d’oreiller, de dossier, de siège, de contrefort, de cale …
Il a surement été un objet transitionnel entre moi et l’ailleurs, un peu comme mon appareil photo l’a été entre moi les autres pendant longtemps.
Il a surement été un objet transitionnel entre moi et l’ailleurs, un peu comme mon appareil photo l’a été entre moi les autres pendant longtemps.
Il a été mis semi-repos en 2006, quand nous sommes partis deux mois en Australie avec deux enfants en bas êge. Mon ainée avait 3 ans et passait alors encore du temps dans la poussette, et le deuxième avait un peu plus de 4 mois et était soit dans porte-bébé sur le dos soit dans le sac kangourou sur le ventre. Nos deux dos étaient occupés, nos bras encombrés d’enfants, c’est le moment fatidique du passage à la valise à roulette. Période qui a duré parce que les enfants ne grandissent pas aussi vite que notre envie de se passer de valise à roulette.
Mon sac à dos est devenu un intermittent du voyage.
Plus sur le dos, mais comme contenant, souvent dans la voiture pour y mettre des trucs encombrants : les sacs de couchage ou les anoraks de toute la famille. Il a eu peu repris du service pour les premières grandes balades avec une nuit en refuge par ci par là, mais il n’avait plus le premier rôle.
En 2020, nous faisons en famille une rando de plusieurs jours dans le Queyras. J’étais ravie, il était de nouveau de la partie. Je me moquais que l’armature en plastique de la sangle ventrale ne soit plus en état, j’étais prête à raccommoder les trous qui se formaient au détriment de l’étanchéité, peu importe qu’il n’ait pas de poche !... J’avais réponse à tous les reproches que faisaient mes iAdo. A la nième qui concernait l’outre à eau, j’ai compris que je devais renoncer.
J’ai compris que je devais faire le deuil de ce sac à dos, et de ma jeunesse avec lui.
J’ai compris que je devais faire le deuil de ce sac à dos, et de ma jeunesse avec lui.
J’en ai évidemment acheté un nouveau, violet avec du fuchsia. Je n’ai pas eu le temps de l‘apprivoiser ni de l’investir, qu’à la rando suivante mon iAdo se l’est approprié et je ne l’ai plus revu.
Et cette année, rebelote, j’ai besoin d’un sac de rando pour aller marcher en Laponie. Je tente une nouvelle fois de reprendre le Millet de 1987. C’est toujours le même, il est toujours troué, la sangle est presque cassée et il n’a toujours pas d’accroche pour l’outre à eau.
Je l’ai bien regardé et j’y ai rangé toutes les affaires de ski dedans. Comme ça je le sortirai tous les hivers, et il ira à la montagne au moins une fois par an.
Je me suis penchée sur les sacs à dos, les modèles, les critères de choix. Il y a bien plus de choix qu’en 1987, Millet fait toujours des sacs à dos, le rose et bleu n’est plus à la mode.
Le Vieux Camper a un Guide de choix. Que j’ai lu avec attention (ça doit être la première fois que je lis un guide d’achat).
Je l’ai lu avec attention donc.
Le Vieux Camper a un Guide de choix. Que j’ai lu avec attention (ça doit être la première fois que je lis un guide d’achat).
Je l’ai lu avec attention donc.
Et ça m’a énervé.
Il commence par « les bonnes questions à se poser » : jusqu’ici tout va bien.
Et la première est « Fille ou garçon ? »
S’ensuit deux paragraphes qui expliquent que les sacs à dos pour femme sont plus comme ci et moins comme ça ; pour les enfants, ils sont adaptés bla bla bla (sans intérêt si vous ne voulez pas de conseil pour acheter un sac à dos).
Trois possibilités : vous êtes un homme, vous êtes une femme ou vous êtes un enfant.
Et deux paragraphes : pour les femmes, et pour les enfants.
L’explication se fait par rapport au standard normatif bien connu : un homme. Tout le reste est en plus ou en moins, c’est-à-dire en comparaison avec la norme implicite du masculin.
Je le remarque malgré moi, je n’y peux rien.
Je sais que ça n’a pas été fait intentionnellement, je sais qu’il n’y a pas de préjudice, personne n’est blessé, personne ne meurt.
Ca me rend triste de voir que même dans les infimes détails la référence communément admise est l’homme.
Je sais que ça n’a pas été fait intentionnellement, je sais qu’il n’y a pas de préjudice, personne n’est blessé, personne ne meurt.
Ca me rend triste de voir que même dans les infimes détails la référence communément admise est l’homme.
J’aurai aimé trois paragraphes, un pour chaque catégorie : homme, femme et enfant.
J’ai pris sur moi et je suis allée jusqu’à bout de ce guide.
J’ai toujours trop de choix, pas de Millet pour les femmes, et rien avec du rose.
Je choisirai celui qui a envie de (re)partir loin et qui me fait de l’œil.
Je choisirai celui qui a envie de (re)partir loin et qui me fait de l’œil.
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