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Nous faut-il un jeune amant ?

Françoise Petrovitch @Musée de la vie romantique

Ce matin, au petit-déj, j'ai lu Le jeune homme de Annie Ernaux. Ce n'est pas une prouesse, il n'y a pas quarante pages, et il se lit d'un trait. Elle y raconte plus que l'histoire de sa liaison avec un homme de 30 ans plus jeune, la relation, son rapport à ce jeune homme , et la signification de tout ça dans a propre histoire à elle.

Elle avait 54 ans à l'époque, lui une vingtaine ; elle était écrivain, ; il était étudiant, elle était parisienne, lui provincial ; bourgeoise, lui modeste (pour ne pas dire prolétaire)... Elle raconte les écarts, les corps, les vécus.

Elle raconte la passion (la sienne à lui) : 

Sa jalousie extrême - il m'accusait d'avoir reçu un homme chez moi parce que la lunette des toilettes était relevée - rendait inutile de douter de sa passion pour moi et absurde ce reproche que je soupçonnais ses copains de lui avoir lancé, comment peux-tu sortir avec une femme ménopausée?
Il me vouait une ferveur dont, à cinquante-quatre ans, je n'ai jamais été l'objet de la part d'un amant.
Sans la nommer au fil des pages, elle parle de domination, elle raconte une asymétrie sociale, éducative, psychologique, amoureuse de celui qui aime plus que l'autre. Jusque dans la conscience qu'elle a de leur histoire  : 
A plus d'un égard -  de la littérature, du théâtre, des usages bourgeois - j'étais son initiatrice mais ce qu'il me faisait vivre était aussi un expérience initiatique. La principale raison que j'avais de vouloir continuer cette histoire, c'est que celle-ci d'une certaine manière, avait déjà eu lieu, que j'en étais le personnage de fiction.
Je n'ai jamais compris, et ne comprends toujours pas, ces hommes (parce que c'est eux souvent) qui se (re)mettent en couple avec des femmes beaucoup plus jeunes. Et j'en ai dans mon entourage proche, des amis et d'autres moins sans parler de la ribambelle de people dont on nous parle (Di Caprio : toujours des femmes de moins de 26 ans, Vincent Cassel : 30 ans de moins, Clara Luciani vingt de moins que Alex des Franz Ferdinand, la liste est longue). 
Et pour une fois, c'est l'inverse, et c'est surtout raconté, presque disséqué.

On rejoue donc du déjà-vu, du déja vécu. Est-ce que c'est pour s'intéresser à ce qu'on a négligé la première fois (comme le ménage? L'éducation des enfants? .... non, là je rêve!).
Il y a vraisemblablement l'envie de revenir à ce qui a été, certainement une façon de ne pas vieillir, de ne pas se voir vieillir  :
Mon corps n'avait plus d'âge. Il fallait le regard lourdement réprobateur de clients à côté de nous dans un restaurant pour me le signifier. (...) Mais je savais (...) que si j'étais avec un jeune homme de 25 ans, c'était pour ne pas avoir devant moi, continuellement, le visage marqué d'un homme de mon âge, celui de mon propre vieillissement.
Et une envie de maitriser ce qui se passe, même si toute relation est singulière, celle de la relation du couple - surtout quand elle est asymétrique - a des étapes balisées et presque connues, la redite doit avoir quelque chose de rassurant, là où avancer en âge ne l'est pas. 

Annie Ernaux a le mérite d'être lucide et claire sur l'aspect "instrumental" de cette relation, utile et indispensable à l'écriture de son roman L'événement :
Plus j'avançais dans l'écriture de cet événement qui avait eu lieu avant même qu'il ne soit né, plus je me sentais irrésistiblement poussée à (le) quitter.
Petite livre, grandes réflexions : je me demande si je dois trouver un jeune amant?



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