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Articles

Affichage des articles du mai, 2022

Une femme qui ne nous explique pas la vie

  Mon mari visiblement excédé, hurle aussi tout en attisant le feu, tournant le moulin à café et massant mes pieds. Bientôt, il hurle même plus fort que moi, exhalant sa colère contre ces maudites femelles qui veulent vivre dans l’Arctique, contre leur insouciance, leur entêtement, tous leurs défauts insupportables, surtout dans le Grand Nord.    Une femme dans la nuit Arctique – Christiane Ritter   C’est le journal que tient Christiane Ritter, en1933 alors qu’elle passe l’hiver avec son mari et un troisième larron norvégien, dans une cabane sur une île au delà du cercle polaire arctique.  Une aventurière certainement, qui ne se vit pas du tout comme ça. Elle est partie retrouver son mari pour le deuxième hiver que veut passer celui-ci dans le grand nord, au Spitzberg. Le Spitzberg, c’est très au Nord, dans la mer des Barents, bien plus au nord que la Finlande, presque aussi au nord que le Nord du Groenland. Rien que d’écrire ça j’ai froid, rien qu’en regar...

Le monde (désuet) de l'attente

Raymond Depardon Je voudrais être solitaire. Solitaire, célibataire et nomade. Quand je voyage, je suis un enfant. Ne pas essayer de séduire.   A Paris, ils n’ont pas compris. Raymond Depardon, Notes (1979)   Le carnet de Notes de Raymond Depardon ouvre une fenêtre sur un monde qui n’existe plus. Un monde où le voyage ne se vit pas sur Instagram, où il coupe de ses bases. Le voyageur dans les années 1970 (en plus en temps de guerre) est dans un autre espace-temps que ses contemporains, en France, à Paris. Il est seul face à lui-même, et c’est probablement ce qui permet la réflexion, l’introspection, le recul face à ce qui est vécu.   Ce matin j’avais envie de te téléphoner, et ce soir de t’envoyer un télégramme, mais les postes étaient fermées. Raymond Depardon, Notes (1979)   C’est un temps ancien coupé du monde. Comment imagine-t-on aujourd’hui devoir attendre l’ouverture des Postes pour téléphoner ? Qui sait encore ce qu’est un télégramme ? Il y a une di...

La solitude heureuse de Raymond

  Dans la photo, il y a toujours du vol, et c’est même la force de la photographie, contrairement à l’idée préconçue qu’il faut l’accord des gens. Bien sûr qu’il faudrait l’accord des gens, mais ce n’est pas toujours possible, et d’ailleurs la meilleure photo que je puisse rêver de moi-même est celle que je n’aurai pas contrôlée Raymond Depardon, dans une interview Image, Voyage en 1998   C’est dans un petit livre de poche qui collecte des éléments hétéroclites de Raymond Depardon.  Rien que le titre « la solitude heureuse du voyageur » me ravit.  Sont rassemblés sous ce titre : un journal des années soixante dix, journal intitulé  Notes , c’est àdire des simples notes – plus ou moins poétiques, plus ou moins factuelles  et une photo. Les quelques lignes écrites ne sont ni légende, ni commentaire de la photo de la page, elles ont simplement été prises le même jour. Et ce sont bien des notes, comme des pensées ou des sensations ou des sen...