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Silence sur les ondes, les filles et le Reste

Hautes-Alpes - l'arrosage des Forests


Je n’écoute pas la radio.
J’écoute des podcasts : des natifs ou le « replay » d’émissions pas trop bidons.
J’en écoute beaucoup, tous les jours en marchant, en français, en anglais, sur beaucoup de sujets variés, les femmes, les violences, les histoires de vie, les autrices, le sexe, les migrants … Toujours des reportages, pas « d’entertainment ».

Nous sommes rentrés des Hautes-Alpes en voiture. Notre voiture a plus de 10 ans ce qui veut dire pas de Bluetooth, juste une prise jack et un mauvais câble en accordéon pour connecter les iDevices qui ont encore des prises jack… c’est-à-dire pas le mien. Sevrée de mes playlists, sevrée de mes podcasts en attente, j’ai bien été obligée de mettre la radio alors que le trajet prenait des heures de bouchon, que les iAdo à l’arrière casque sur les oreilles se marraient derrière leurs écrans, et que le iMari dormait entre deux séquences de conduite.
A deux moments bien distincts, j’ai écouté France Inter et France Culture. Au lieu de me détendre, ou d’apprendre, ou juste de sourire, ça m’a franchement agacée. 
C’est simple : des hommes invitent des hommes pour parler d’autres hommes !
Soit : un animateur qui a des invités masculins pour présenter leurs (toujours Remarquables, Extraordinaires, Inédits avec des majuscules) livres qu’ils ont écrits sur … des hommes ! 
 
D’abord, France Inter sur la tranche 17h-18h, Jean Claude Ameisen (sur les épaules de Darwin) raconte la longue recherche de l’estimation de l’âge de la Terre, il commence avec l’histoire de Darwin et enchaine avec d’autres chercheurs et scientifiques qui se sont penchés sur la question ou ont carrément consacré leur vie à cette estimation : évidemment que des hommes. 
QUE DES HOMMES. 
Pour ne laisser planer aucun doute, l’animateur ne dit que « physiciens, astrophysiciens », aucune chance que toutes ces fonctions de scientifiques ne soient tenus par d'autres que des hommes. Pire, toutes les références évoquées sont écrites par des hommes. 
Pendant une heure, sur les épaules de Darwin, c’est un monde où les femmes n’existent pas.
On pourrait se demander ce qui leur a permis de consacrer leur vie à ça. Certainement des épouses, des mères, des sœurs, des gouvernantes, des bonnes qui ont, elles, consacrées leur vie à ce que ces éminents scientifiques fassent avancer la Connaissance. Ou pire, comme en littérature (cf. le dernier livre de Titiou Lecoq), les femmes qui ont participé à ces recherches ont purement et simplement étaient rayées de l’Histoire.

J’ai forcément zappé sur France Culture, c’est plus fort que moi, cette absence de présence féminine, son invisibilité me met immédiatement en colère. Sur la même tranche horaire, c’est une animatrice (ouf), mais ça s’arrête là. Elle reçoit un homme (professeur et directeur blablabla) qui a écrit un livre sur … un homme ! (Pasolini en l’occurrence).

Et moi, je suis passée sur la playlist de MON homme (parce que lui son iPhone a encore une prise jack). Sa playlist « cuisine » est un doux mélange de jazz, de musique électro et de grands classiques sur les 100 dernières années. C’est la playlist qu’il met quand il fait la cuisine.
J’ai donné une 2ème chance à la radio sur une tranche plus tardive.
Rebelote : France Inter après 21h : un animateur reçoit des invités (deux hommes) qui programment des chansons qu’ils aiment … guess what ? que des chanteurs (à l’exception de Barbara Streisand perdue là au milieu). 
France Culture où je bascule, nous diffuse François Angelier (Mauvais Genres) avec un invité philosophe (Michel Eltchaninoff,) qui nous fait la promotion de son livre sur Lénine, le cosmice russe, et de philosophes russes tous masculins. Aucune voix féminine, aucun nom de femme. 

J’ai tout éteint et j’ai fait la route en silence. Comme les femmes le sont sur les ondes.
Je préfère le silence à cette domination radiophonique masculine.

Vous allez me dire que c’est une coïncidence. 
La première fois est une coïncidence, la 2ème est un complot (disent les espions et les paranoïaques), au bout de quatre fois (2 tranches horaires, deux radios différentes) c’est du systématisme.
C’est une organisation efficace, une machine bien huilée.
Je n'écoutais déjà pas la radio, je n'écouterai plus la radio.

Heureusement, il y a les filles, celles qui chantent, celles que j’écoute en ce moment, celles qui font oublier que les hommes occupent l’espace, aussi parce qu’elles prennent le leur :


Clara Luciani qui Respire

Elle veut pas s'asseoir, elle veut s'oublier
Elle veut qu'on la drague, qu'on la regarde et qu'on la fasse tourner
Elle veut pas s'asseoir, ça a trop duré
L'immobilité forcée, ce soir la vie va recommencer

Et Le reste

Je ne peux pas oublier ton cul et le grain de beauté perdu
Sur ton pouce et la peau de ton dos
Le reste, je te le laisse mais je retiens en laisse
Le souvenir ému de ton corps nu



Juliette Armanet avec son Epine 

Ça m'a griffée comme une épine instantanée, divine
Ça m'a laissée une trace infime presque effacée sublime

En dansant le disco :

Le dernier jour du disco
Je veux l'entendre en stéréo
Et te dire qu'y a rien de plus beau 

Et ma favorite :  Emily Loizeau qui nous chante le poids de l’éxistence

Quelle est donc cette douleur étrange?
Comme un nouveau poids sur l'existence? 

Et nous partage le mythe d’Icare

Icare, voler
c’est devenir oiseau.
Icare n’oublie pas le poids
de tes os.

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