En Mai, deux livres de la même autrice. J'ai lu les deux à la suite, comme une drogue j'en voulais encore. je ne voulais pas lâcher ces gens, l'ambiance, Dublin, leurs dialogues... Je voulais y rester. Mais cette autrice n'a écrit pour l'instant que deux romans. Et je les ai finis. Je les relirais sûrement, un jour où j'ai de nouveau envie, besoin de cette ambiance et de fréquenter ces gens.
Intimistes, réels, on est avec les personnages, dans leur vie, dans leur tête, dans leurs pensées, et dans leurs émotions. Elles ne sont pas décrites, elles sont vécues. Il n'ya jamais ecrit "elle était triste" ou enjouée ou... pas d'étiquette, juste la vie, avec tout le subjectif, toute l"ambivalence des émotions ressenties, et de ce que ça peut vouloir dire quand on décortique.
J'ai la vive sensation qu'à un moment je vais croiser ces gens au coin de la rue. Rien de commun avec des héros magnifiques, juste des personnes singulières, engagées dans leurs relations. Réellement engagées. Moi qui déteste les relations molles, celles qui se contentent du superflu, du mondain ou du quotidien, là je suis servie (juste le temps de la lecture, mais c'est déjà ça).
Et, j'ai réalisé, après, que ce sont des relations équilibrées, Du moins où on y recherche l'équilibre. De façon explicite et consciente. Quand ce n'est pas le cas, c'est vécu comme une expérience, et en pleine conscience, comme un choix assumé pour un temps. Limité.
Conversations entre amis (2017) tourne autour de quatre personnages principaux, avec des relations qui naviguent de l'amitié à l'amour, avec ou sans relations sexuelles, avec l'autre et le même sexe. Avec une grande fluidité, sans même que l'on se pose la question de la nature de la relation "amour? amitié?", la frontière n'existe pas.
D'ailleurs, de quoi parle cette limite? On serait plus serein sans mettre les choses dans des boîtes. Encore faut-il se le dire, avec toute l'attention emphatique qu'on doit à l'Autre, à celui avec qui on est en relation. La relation a alors une dimension sacrée, une dimension de l'attention, engagée et engageante. l'Autre est un sujet et pas juste l'objet limité au temps de l'interaction.
Sans non plus interroger si la personne qu'on aime est un homme ou une femme. L'Autre est ce qu'il est au delà de son sexe biologique, ou de son genre social. Cette approche est reposante, avec moins de frontières, de tabou, et plus de respect pour qui on est, qui on aime et comment on aime. En grande résonance avec le podcast de Victoire Tuaillon "le coeur sur la table" que je vous invite à écouter, qui reinterroge les relations et la hiérarchie qu'on y met : pourquoi les relations amoureuses seraient au dessus de l'amitié?
Normal people (2021) est le dernier publié par Sally Rooney. Il a tout de suite donné lieu à une série,
superbe, qui retrace l'esprit et l'ambiance exacte du roman. J'ai connu Sally Rooney par la série (personne n'est parfait), et j'ai enchaîné les romans. Je me rappelle avoir été sous le charme de cette relation "pépinière" : celle où on grandit ensemble, comme dans une pépinière. Chacun apporte à l'autre, à tour de rôle, aucun n'étouffe, chacun explore dans et en dehors de la relation. Les relations pépinières sont celles qui nous font évoluer, sont celles où donner-recevoir se passe sans décompte, elles se passent hors emprise, en toute générosité toute fluidité, et l'équilibre est là. Elles sont toujours là, même de loin, même à distance, même moins régulière.Je me rappelle aussi avoir félicité la mère. Sa mère à lui. Je me suis dit "elle a drôlement bien élevé ce garçon" qui arrive à être un homme, sans les codes de la virilité. Un homme un vrai, on ne s'y trompe pas, un être respectueux de qui il est, de qui sont les autres de ses relations, de ses girlfriends. Je me rappelle avoir été envieuse de l'éducation qu'elle a délivré à son fils Connell, et m'être dit que je n'étais pas certaine d'en avoir fait autant avec mes garçons. Savent-ils exprimer leurs émotions? Montrer leur vulnérabilité? Dire quand ils ont besoin d'aide? Prendre soin d'eux et des autres?
Le livre est savoureux, la série est divine, la playlist un bon reminder.
Bref, mes coups de coeur de l'année. Une autrice à suivre, désormais parmi mes favorites.
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